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PRIX LUDOVIC TRARIEUX 2008

Prix International des droits de l'homme Ludovic-Trarieux 2008

Ludovic-Trarieux International Human Rights Prize 2008

Premio Internacional de Derechos Humanos Ludovic Trarieux 2008

Internationalen Ludovic-Trarieux-Menschenrechtspreis 2008

Prêmio Internacional de Direitos Humanos Ludovic Trarieux 2008

Premio Internazionale per i Diritti Umani Ludovic Trarieux 2008

Ludovic Trarieux Internationale Mensenrechtenprijs 2008





Depuis 1984

“L’hommage des avocats à un avocat ”

 

Le Prix Ludovic-TrarieuxU Aye Myint (BIRMANIE)

Prix International des droits de l'homme Ludovic-Trarieux 2008

 

  Emma Bonino, Mara Carvagna, Alfredo Mantovano, Francesco Rutelli, Fiamma Nirenstein, Savino Pezzotta ont participé au Sénat italien au Colloque sur le thème  Senato al convegno "La schiavitù del XXI secolo: tratta degli esseri umani e lavoro forzato" (Palazzo Giustiniani, Sala Zuccari, ore 9) organisé à l'occasion de la remise par

Mme Emma Bonino,

vice- présidente du Sénat

du XIII° « Prix International des Droits de l'Homme – Ludovic Trarieux »

À l'avocat birman U Aye Myint.

Le XIIIème Prix International des droits de l'homme Ludovic-Trarieux 2008, a été attribué par le Jury réuni dans la Salle du Conseil de l’Ordre des Avocats du barreau de Luxembourg, à la majorité absolue des voix, à U Aye Myint, avocat de Pegu (Birmanie/ Myanmar), spécialisé dans le droit du travail.

En novembre 2003, il a été condamné à mort pour avoir transmis des informations sur le recours continu au travail forcé en Birmanie à l'Organisation international du travail (OIT). La peine de mort a été commuée en janvier 2005 en peine de trois années d’emprisonnement. Libéré en en janvier 2005, U Aye Myint a de nouveau été arrêté en août 2005 et condamné le mois suivant à sept ans de prison pour avoir porté à la connaissance de l’OIT les plaintes de villageois qui avaient été dépossédés de leurs terres. Il a été libéré en juillet 2006 grâce à une forte pression de l'OIT. U Aye Myint reste une cible permanente de la junte militaire au pouvoir.

Le Prix a été remis personnellement au lauréat à Rangoon en septembre 2003 par Mario Lana, président de l'Unione Forense per la Tutela dei diritti umani (UFTDU). Il a été ensuite remis lors d'une cérémonie officielle in abstentia, le 22 octobre 2008, au Sénat de la République Italienne, à Rome, par Madame Emma Bonino, vice-présidente du Sénat italien. (Photo UFTDU).
(Cérémonie de Remise du Prix 2008 sur Youtube.)

Discours de Madame Emma BONINO

Vice Président du Sénat Italien

à l'occasion de la remise du Prix Ludovic Trarieux 2008

Mesdames et Messieurs, chers collègues, je pense que le Sénat a bien fait d’offrir son patronage à cette manifestation, qui aujourd’hui nous voit ici réunis, et est je crois un motif d’orgueil institutionnel.

Cette salle est en plus pour moi un souvenir absolument particulier. Il y a plus de vingt ans, à la moitié des années quatre-vingt, ce fut la salle de grande importance qui accueillit un congrès très important, « Les pauvres ne se nourrissent pas de théories ». C’était au milieu de la grande campagne contre l’extermination par la famine, époque où les Institutions furent elles aussi sollicitées par l’opinion publique en particulier, mais cherchant à assimiler en quelque sorte les sollicitations de l’extérieur.

Cette salle démontre justement que ce genre de bataille a besoin d’entêtement et de détermination, de fermeté et durée. La pensée de l’extermination par la famine, ne peut me faire oublier le cri d’alarme qui s’est élevé justement en juin de la FAO et d’autres institutions internationales, toujours sur ce même sujet de l’extermination dont les causes et les motivations sont aujourd’hui différentes, mais qui demeure certainement une plaie qui n’a pas quitté la planète.

Votre réflexion d’aujourd’hui, vous l’avez dédiée à « L’esclavage du XXIe siècle ». C’est aussi un combat qui a besoin et continuera à avoir besoin - au-delà des succès juridiques - de détermination et d’engagement sachant que le parcours est long, et qu’il est long dans son application. Comme à l’époque, il voit l’engagement d’avocats et d’activistes des droits de l’homme, comme U Aye Myint, comme par ailleurs une grande amie cambodgienne Somaly Mam, elle-même esclave sexuelle et obligée justement à un autre type de travaux forcés, mais combien forcés et violents. Ce combat voit aussi unis des activistes du monde entier et il est important que les institutions y soient sensibles.

Nous nous souvenons tous, je pense, du chef-d’œuvre de ‘57 de David Lean, « Le pont de la rivière Kwaï », film épique sur la folie de la guerre, sur l’absurdité de l’éthique militaire, reconstitué justement en Birmanie, durant la Seconde Guerre Mondiale. Une histoire qui tourne elle aussi autour des travaux forcés pour la construction de ce pont ; travaux forcés et Birmanie.

C’est la conjonction entre le thème de votre symposium d’aujourd’hui et Aye Myint, l’avocat birman spécialisé en droit du travail, membre de la National League for Democracy, arrêté maintes fois par le régime de Rangoon. U Aye Myint, fut entre autres accusé d’avoir transmis des informations sur le travail forcé en Birmanie. Comme cela a été annoncé, in absentia, il recevra ce matin le Prix International pour les droits de l’homme, et c’est vraiment un honneur de savoir que cette cérémonie se fait au Sénat. Mais justement à cause de cette conjonction, permettez-moi aujourd’hui dans cette intervention de parler surtout de la Birmanie.

Chaque fois que je pense à la Birmanie et à Aung San Suu Kyi en particulier, j’ai comme vous tous, j’imagine, le cœur qui se serre. Il y a des parfums que l’on n’oublie point. Je me souviens que lorsque je l’ai rencontrée j'étais Commissaire aux situations d’urgence, en 1995-96. Lorsque j'ai rencontrée Aung San Suu Kyi, justement à Rangoon, je me suis rendue compte – moi qui passe pour une personne menue – à quel point je me sentais physiquement géante par rapport à elle qui est encore plus menue, si bien qu’en me baissant pour l’embrasser mon nez a fini dans la couronne de fleurs qui ne la quitte jamais, cette couronne de jasmins qu’elle porte toujours pour attacher ses cheveux. Ce parfum de jasmins en quelque sorte ne m’a plus quitté. J’espère un jour ne plus recevoir pour l’énième fois une cassette d’Aung San Suu Kyi, enregistrée et passée dans un congrès, mais j’espère plutôt voir Aung San Suu Kyi participer à un congrès, libre d’entrer et de parler de son pays.

J’ai un serrement de cœur pour la situation dans laquelle Aung San Suu Kyi se trouve depuis des années : l’isolement de ceux qu’elle aime, l’isolement physique, l’isolement politique, qui vont de pair. Elle les subit tous les trois, prisonnière dans son propre pays, pays qu’elle aime plus que toute autre chose. Mon cœur se serre aussi pour un sentiment de culpabilité qui, je pense, est le même pour beaucoup d’entre nous. Une culpabilité que nous ne pouvons pas ne pas ressentir lorsque nous parlons d’elle, de ses collaborateurs, de personnes comme U Aye Myint. Nous pourrions en quelque sorte faire plus. Non pas parce que nous avons la solution miraculeuse, pas du tout, mais parce que dans un certain sens nous avons tendance à oublier. J’ai encore, comme vous tous, l’image de la Révolution Safran des moines bouddhistes de septembre 2007. Comme vous, j’ai suivi avec émotion l’évolution des ces jours. D’un seul trait j’ai écrit cette lettre ouverte à Aung San Suu Kyi, dans laquelle je lui disais qu’elle n’était pas seule, que son peuple n’était pas seul et que le regard du monde était posée sur la Birmanie, que le monde de la communauté internationale lui était proche par sa détermination et son soutien.

Je ne suis pas si sûr que ce je lui ai écrit à l’époque soit aussi vrai, car au bout d’un an la tragédie de la Birmanie - que vous affrontez aujourd’hui sous un autre de ses aspects, celui des travaux forcés, mais qui n’est qu’un avec le régime birman - a replongé dans le silence général, un silence qui pèse. Il est donc important de temps en temps de lever le rideau. Ce silence pèse car la Birmanie n’est pas de l’autre côté du monde. Elle l’est physiquement. Mais dans le monde d’aujourd’hui, dans le monde globalisé je ne sais plus qui est de l’autre côté, ou loin. Et de l’autre côté du monde il n’y a ni le Pakistan, ni le Darfour, ni la Géorgie - pour ne parler que des zones de crises plus récentes - sans compter la Corée du Nord ou le Zimbabwe ; en réalité ils ne sont pas de l’autre côté du monde, ils sont le monde, dans le monde comme nous le sommes. Il en est de même pour tous ce pays qui traversent - qu’importe si depuis des décennies ou depuis des mois seulement - des situations internes difficiles, qui peuvent aller de la répression organisée à la violation systématique des droits de l’homme et civils, là où justement la traite des êtres humains et les travaux forcés sont infligés grâce au cône d’ombre, à l’intérieur duquel ces régimes ont pu agir jusqu’à présent.

Ces pays ont été de l’autre côté du monde, mais aujourd’hui nous ne pouvons plus continuer à penser et à nous comporter comme s’ils y étaient encore. C’est à mon avis un résultat positif de la globalisation, car il suffit d’un téléphone portable pour photographier une scène qui fait le tour du monde. Ça n’était pas comme ça il y a encore peu de temps. Mais cela nous met devant une autre responsabilité, car aujourd’hui plus personne ne peut dire : je ne le savais pas. Bien plus aujourd’hui, et Sciascia nous disait : Aujourd’hui il y a peut-être trop d’information sans communication. Nous savons… mais c’est comme si l’on ne communiquait plus rien. En tout cas une communication qui après n’arrive pas à s’acheminer en quelque sorte en indignation et de l’indignation à l’œuvre ; aussi modeste qu’elle puisse être, un demi-centimètre par an dans la bonne direction suffirait, mais quelquefois nous n’arrivons même pas à faire cela.

Alors que les progrès technologiques, les rapports entre États restent en grande partie ancrés à des modèles statiques, anciens, un peu obsolètes, certainement inefficaces, la communauté internationale reste bloquée par le peu qu’elle peut faire, plutôt que d’être animée par le peu qu’elle pourrait faire.

Il y a cependant un aspect qui me redonne du courage. En quelque sorte, grâce à tout cela, il me semble voir apparaître - déjà ces dernières années, en particulier depuis la fin de la division bipolaire - une conscience transnationale, une conscience qui ne s’est pas encore traduite en institutions adéquates, en institutions globales, et nous le voyons dun autre côté dans les crises de maintenant ; il y a une conscience qui émerge, une vraie conscience transnationale, mais qui ne se reflète pas de manière appropriée dans les institutions de gouvernement supranationales dans tous les domaines.

Cette conscience transnationale peut toutefois devenir importante si elle devient notre conscience à tous, la conscience des citoyens ; la conscience de tous ceux qui – à Rome ou à Barcelone, à New York ou à Toronto, à Buenos Aires ou à Calcutta – continuent ou arrivent à s’indigner en présence de phénomènes anciens et jamais déracinés, même si justement presque tous désormais interdits du point de vue normatif. Il y a aussi cette contradiction évidente : alors que le jure a continué, l’application, le monitorage et l’application du jure a beaucoup de difficultés et se heurte souvent aux barrières nationales, à la non interférence ou à la non ingérence. Au contraire, de l’autre côté, on voit se dessiner un autre concept qui a été récemment approuvé comme donnée conceptuelle par l’Assemblée Générale des Nations-Unies, c’est-à-dire de la « responsabilité de protéger ». Dans les années quatre-vingt, le concept était plus agressif et, à mon avis, mal posé dans le langage, droit-devoir d’ingérence, qui avait en lui un aspect en quelque sorte agressif et en quelque sorte de quelqu’un qui a le droit d’ingérer, éventuellement occidental, qui a le droit-devoir de s’ingérer sur d’autres continents.

Aujourd’hui, grâce à la réflexion de beaucoup – jurisconsultes et autres – le nouveau concept approuvé et qui devra maintenant trouver les instruments d’application me semble être un concept beaucoup plus adéquat à ce que nous aussi (qui soutenions le droit d’ingérence) nous voulions dire dans les années quatre vingt ; en réalité nous voulions parler de responsabilité de protéger.

La première responsabilité se rapporte certainement à l’État-Nation et au Gouvernement. Mais le problème qui se pose est : lorsque le Gouvernement ne veut pas ou ne peut pas se charger du droit de son peuple à vivre et à vivre dignement, quelle est la responsabilité des institutions internationales ou des autres États pour protéger ces citoyens du monde ? Par rapport à cette responsabilité de protéger, même le jure a continué sa route. Je peux par exemple rappeler l’institution de la Cour Pénale Internationale, basée justement sur le concept selon lequel la première responsabilité de rendre justice appartient à l’État. Mais si l’État ne veut pas ou ne peut pas se charger de la justice par rapport aux crimes les plus graves, le mandat de la Cour Pénale International est modeste, car il est en présence de trois délits sur lesquels il peut intervenir, seulement trois, mais pour commencer ça suffit, ce sont les génocides, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité. Disons que ce n’est pas une Cour sur les droits des hommes au sens large, mais ça a abattu un mur important ; ça veut dire que même l’État-Nation est la souveraineté… la souveraineté ne veut pas dire possession, la souveraineté veut dire responsabilité. C’est un changement conceptuel fondamental par rapport à la souveraineté - comme elle a été considérée pendant longtemps - presque comme un droit de vie et de mort, et fondamentalement de mort, et un rapprochement de souveraineté et possession, comme si justement l’État ou le Gouvernement de n’importe quel pays pouvait disposer en quelque sorte de la vie de ses citoyens.

Aujourd’hui nous avons été beaucoup de l’avant. Il nous reste la grande partie de l’application et de ce hiatus – qui tend un peu à s’élargir, si l’on n’agit pas un peu – entre le droit, la sensibilité juridique et normative qui est plutôt avancée même au niveau international ; vous l’avez démontré par exemple sur les travaux forcés avec les dernières sentences et l’application qui par contre a encore des frontières, des obstacles importants.

Ce sont des phénomènes anciens, jamais déracinés, presque tous interdits du point de vue normatif, tant aux niveaux internationaux que du point de vu du Droit International, comme la traite des êtres humains ou les travaux forcés, surtout des mineurs, ou la torture, ou même les mutilations génitales féminines, rien que pour citer une autre campagne qui me tient particulièrement à cœur.

L’indignation, je ne sais même pas si on la ressent encore quelquefois, pendant un instant, normalement lorsque l’image télévisé est particulièrement brutale. La ressentir à nouveau est un premier pas ; le second est comment l’acheminer ? Comment s’en servir au positif ? Je pense qu’il faut exploiter tous les instruments, internet avant tout et d’autres, que la globalisation met à notre disposition. Ce sont des instruments utiles, qui ne doivent pas servir seulement au business, nous pouvons les utiliser nous aussi pour beaucoup d’autres campagnes significatives. À mon avis, malgré tous ces éléments négatifs dont j’ai parlé, je ne suis pas catastrophiste. Aujourd’hui le catastrophisme – tout va mal, tout va de pire en pire – est plutôt à la mode. Il devient un alibi fantastique… puisque tout va mal nous ne pouvons plus rien faire. Je ne suis pas catastrophiste, au contraire j’espère que cette dérive ou ce courant culturel ne l’emporte pas.

Certains insistent à nous expliquer que tout va si mal que Dieu seul peu nous sauver. Moi je pense le contraire, et les données le prouvent. Par exemple les démocraties s’accroissent dans le monde. Comme l’a expliqué à plusieurs reprises Anthony Giddens, depuis la moitié des années soixante-dix jusqu’en 2005 les démocraties dans le monde ont triplé.

Il y a quelques jours Paolo Rossi, historien des idées, rappelle dans son livre « Speranze », qui est sur le point de sortir, le pourquoi de l’épanouissement démocratique. Si l’on me demandait la raison de cette expansion de la démocratie au niveau mondial je répondrai simplement en dessinant un symbole, celui d’une antenne parabolique, parce que dans cette antenne sont passées les images des activistes, les initiatives comme les vôtres, qui circulent et qui peuvent circuler ; il n’y a pas eu que l’information qui est passé, il y a eu aussi les tentatives de réaction.

Je pense que nous devons comprendre jusqu’au bout qu’il y a des choses qu’aucun gouvernement ne peut réaliser tout seul, mais que de bonnes coalitions de gouvernements démocratiques et d’opinions publiques, encouragés éventuellement par des manifestations comme celle-là, des manifestations de conscience transnationale, peuvent faire progresser. Un des exemples les plus récents et les plus beaux, qui voit notre pays engagé en première ligne, a été celui du moratoire universel contre la peine de mort. Je veux simplement par là, dire que ce demi-centimètre par jour dans la bonne direction peut et doit être obtenu.

Nous vivons continuellement sur la vague d’informations émouvantes, en fibrillation perpétuelle, si perpétuelle qu’à la fin nous ne nous en rendons plus compte, c’est comme si… trop d’information ne fait pas information. Lorsque nous apprenons l’assassinat de Benazir Bhutto, lorsque nous voyons les images d’africains qui courent dans les rues de Nairobi en brandissant un coupe-coupe, lorsqu’un pays est envahi, nous ne devons jamais oublier ce qu’il y a derrière ces faits, ces faits dramatiques ; nous devons surtout suivre ce qui se passe après, lorsque le monde se distrait en proie à une nouvelle crise, à un nouvel assassinat, à une autre violence. Nous devons garder l’attention constante pour donner un sens, pour reconnaître la juste valeur, pour respecter l’engagement de celui qui se bat pour les droits de l’homme et la démocratie dans mille coins du monde, exactement comme l’a fait et continue à faire U Aye Myint, en Birmanie.

Thomas Bacon nous a dit une phrase que je n’oublie jamais heureusement et qui m’aide : y-a-t-il des raisons pour ne pas désespérer ? Je pense qu’elles existent et que U Aye Myint nous le rappelle.  

 

Discours de Mario Lana

Président de l'Union des Barreaux italiens pour la défense des droits de l'homme

Pour la remise du XIIIème Prix Ludovic Trarieux

A

U Aye Myint

 

Mario LANA-Photo - Copyright ©  - Senato

Pour la première fois, en 1996, vingt cinq représentants des travailleurs portèrent plainte à l’Organisation International du Travail, contre le Gouvernement du Myanmar, pour l’abrogation des normes sur le travail forcé et l’usage de cette pratique en violation de la Convention n. 29 de l’OIT sur le travail forcé, entrée en vigueur à Myanmar le 4 mars 1956.

Par suite de cette dénonciation, en 1997 le Conseil d’Administration de l’OIT nomma une Commission d’Enquête qui, l’année d’après, présenta un rapport de recommandations au Gouvernement du Myanmar compte tenu des carences évidentes dans le processus d’application de la Convention n. 29, et l’invita à prendre des mesures afin de modifier la réglementation en vigueur et d’éliminer dans la pratique, le travail forcé et obligatoire.

Ces recommandations seront le point de référence pour les futures évaluations des progrès dans le processus d’application de la Convention.

En 2000, la Commission d’Enquête publia un autre rapport dénonçant la non application des recommandations.

Sur l’impulsion du Directeur Général de l’OIT, on institua en 2001 une Mission de Coopération Technique entre le Gouvernement du Myanmar et l’OIT.

Mars 2002, marqua un tournant par la conclusion d’un Protocol d’Entente avec le Gouvernement, sur la nomination d’un Agent de Liaison de l’OIT en Birmanie, et dont l’activité démarra en juin de cette même année. Mais les persécutions du Gouvernement Birman vis-à-vis de certains activistes de la National League of Democracy (NLD) [Nota : il nome dell’organizzazione è National League for Democracy] furent un grand obstacle pour la réalisation du Plan d’Action pour l’élimination effective du travail forcé.

C’est dans ce contexte que neuf personnes furent condamnées à mort pour haute trahison.

La sentence, prononcée en novembre 2003, ne fut communiquée traduite en anglais à l’Agent de Liaison que le 11 mars 2004 et l’on voyait que trois de ces personnes, dont U Aye Myint, avaient été condamnées justement en raison de leurs contacts avec l’OIT.

L’OIT intervint donc immédiatement par une lettre adressée au Ministère du Travail birman et demandant l’accès aux actes et aux détenus.

Le 19 mars 2004, après avoir rendu visite à U Aye Myint et à son collègue Min Kyi, à la prison d’Insein, l’Agent de Liaison présenta un rapport à l’OIT où il soulignait les traitements inhumains subis pour avoir des renseignements, les conditions de détention difficiles, ainsi que le caractère non équitable des procédures à leur charge.

Ce ne fut qu’après cette intervention que la condamnation à mort fut transformée en peine de trois ans de détention et U Aye Myint et Min Kyi sortirent de prison le 3 janvier 2005.

Toutefois les rapports entre l’OIT et le Gouvernement du Myanmar se troublèrent au point que le Premier Ministre et d’autres interlocuteurs fondamentaux de l’OIT, y compris le Ministre du Travail, furent relevés de leurs fonctions. En plus, le travail des responsables de l’OIT fut entravé même par le silence des interlocuteurs en réponse à certaines questions fondamentales; l’Agent de Liaison de l’OIT fut lui-même menacé de mort. Les autorités birmanes niaient l’existence du problème du travail forcé, en pleine contradiction avec l’activité déployée jusqu’à ce moment-là en collaboration avec l’OIT.

Un autre point d’ouverture du Gouvernement birman n’est obtenu qu’en 2007 avec la souscription d’un accord d’ intégration au Protocole d’Entente de 2002 qui a renforcé la compétence de l’Agent de liaison en référence justement aux dénonciations de cas de travail forcé provenant d’individus ou de leurs représentants.

 Réitéré déjà deux fois, l’accord dont le prochain examen est prévu pour le 25 février 2009, est le symptôme d’une nouvelle ouverture, même si limitée, du Gouvernement birman dans la collaboration avec l’OIT.

Bien que pour la première fois l’accord ait été diffusé parmi la population, moyennant la traduction du texte en birman et l’organisation de séminaires informatifs/éducationnels pour le personnel civil administratif, de fortes perplexités demeurent sur le plan des actions promues par le Gouvernement qui non seulement a le contrôle de la diffusion de l’accord, mais continue aussi à employer des méthodes de répression vis-à-vis de ceux qui le divulguent de manière indépendante. En plus, même les appelants qui entament des procès de travail, en vertu aussi des garanties offertes dans le Protocole d’entende, subissent encore des menaces s’ils ne retirent pas la plainte.

 

Les pressions exercées par l’OIT pour la libération d’U Aye Myint ont été déterminantes. Il a été arrêté et condamné à plusieurs reprises à partir de 1988, justement à cause de son engagement dans la défense des droits de l’homme, et l’OIT a contribué dans de nombreux cas à sa libération, comme le mentionnent différents rapports du Conseil d’Administration.

U Aye Myint risque, encore aujourd’hui, d’être arrêté et torturé :

- le 27 mars 2008, alors qu’il attendait un taxi, il fut agressé et frappé à la tête par un inconnu qui lui causa une blessure profonde. Il fut hospitalisé et eut cinq points de suture. Il dénonça le cas au tribunal local, mais jusqu’à présent, comme lui-même le dit, aucune enquête n’a été faite sur ce cas par les autorités ;

- le 8 aout, un groupe d’agents de police se présenta chez lui, et après avoir fouillé dans la maison pendant des heures et avoir pris certains documents, U Aye Myint fut obligé de les suivre sans savoir où ils l’amenaient et le temps pendant lequel il aurait été pris. L’après midi suivant certains agents sont retournés chez lui et demandèrent quelques vêtements vu qu’il était détenu, sans informer toutefois la famille des accusations qui étaient faites à U Aye Myint.

Ces épisodes sont de toute évidence la conséquence directe de l’activité qu’U Aye Myint a récemment conduit en faveur des victimes du cyclone Nargis de mai 2008.

 

Le but de notre Prix va bien au de là de l’appréciation de l’action de défenseur des droits humains des avocats comme U Aye Myint.

C’est en effet la réponse au besoin aussi de soutenir des personnes comme lui, dans leur action quotidienne, d’être solidaires avec eux, tout faire pour qu’ils ne se sentent pas seuls.

Mon très récent voyage en Birmanie et deux longs colloques avaient justement ces objectifs. Il me reste une grande émotion éprouvée par nous deux, et prouvée par certaines photos que je conserverai comme les plus significatives dans les souvenirs de cinquante ans de lutte pour les droits de l’homme.

U Aye Myint a été un des premiers avocats birmans à s’activer pour la défense des droits de l’homme. Il n’y avait avec lui que deux autres avocats restés seuls aujourd’hui à cause de la révocation de la licence au patronage d’U Aye Myint, après sa condamnation à mort.

Quelques mots sur cette révocation honteuse : aucune mesure imposée par un régime dictatorial à un ordre d’avocats complaisant, ne pourra faire qu’on le sente “moins collègue”. Au contraire nous le sentons plus près de nous, conscients comme nous le sommes du fait qu’avec U Aye Myint nous nous retrouvons dans notre dignité d’hommes libres. Nous le voyons comme un homme de paix, un non violent, dans sa tendresse, sa fragilité mais aussi son indépendance et son courage d’“homme seul” persévérant dans un combat titanique, sans clameur médiatique, mais toutefois efficace dans sa position actuelle de “porteurs de plaintes” à l’OIT. Nous avons su que la dernière plainte présentée en mars dernier, concernait les enfants soldats.

La manifestation d’aujourd’hui, parfaitement connue par le régime, pourrait l’exposer au risque d’extorsion ; il le sait, l’accepte et l’approuve car il y a aussi la possibilité que ce prix - une sorte de “Nobel” des avocats européens - renforce sa position auprès du régime et contribue au moins à accroitre le nombre des dits “porteurs de plaintes” qui sont aujourd'hui des centaines de jeunes birmans, y compris bien sûr tous ceux qui dénoncent les violences du régime à l’OIT. Si j’interprète bien le message reçu que tous peuvent lire, il se peut qu’un jour, ces Birmans - y compris bien sûr tous ceux qui souffrent dans les prisons pour des raisons d’ordre politique - et les opposants en exil, concourent à un changement lent, graduel mais sur, vers la démocratie, et U Aye Myint pourrait y jouer son rôle, à partir de la région de Bago et dans toute la Birmanie. Au cours de mes colloques j’ai eu la sensation qu’U Aye Myint représentait une richesse pour son pays et la démocratie.

A l’avenir les faits me démentiront ou, au contraire, je le souhaite, me donneront raison.

Mais de quelle démocratie parlons-nous ? La démocratie, comme nous l’enseigne Amartya Sen dans son très bel essai sur “Identité et violence”, a des racines globales qui vont au-delà de la Grèce antique, c'est-à-dire d’une “occidentalité” présumée de la démocratie même. En premier lieu, à cause des liens intellectuels de la Grèce avec des civilisations à l’est et au sud, ensuite, parce que dans les siècles suivant l’épanouissement de la démocratie athénienne - et bien avant qu’ils ne s’affirment en Europe, en Inde et en Iran (la ville de Suse) - il y avait un conseil d’élection, une assemblée populaire et des magistrats proposés par le conseil et élus par l’assemblée.

Bien plus, en 604, c'est-à-dire six cents ans avant la Grande Chartre (1215), le Prince du Japon Shotoku promulgua une constitution qui commençait ainsi : « Les décisions les plus importantes ne doivent pas être pises par une seule personne. Elles doivent être discutées entre plusieurs personnes ».

C’est donc avec le message d’espoir - qui part de la salle prestigieuse où fut signée notre Constitution Républicaine - de voir bientôt une démocratie birmane, que je remets idéalement le Prix Ludovic Trarieux 2008 au représentant du Gouvernement birman en exil, Monsieur Beaudee Zawmin.

 

Extraits du DISCOURS DE

M. le Bâtonnier Bertrand FAVREAU

Pour la remise du Prix International des Droits de l'Homme

"Ludovic-Trarieux" *

 

 

Bertrand FAVREAU-Photo - Copyright ©  - Senato

 

[Remerciements personnalités]

[…]

 

Triste concours, il est vrai, si ce prix en était un.

 

Chaque année, la compétition s'apprécie en termes de souffrance et il faut arbitrer entre des engagements et des douleurs toujours plus insupportables et jamais comparables.

 

Pourtant, cela doit être dit, nous ne stigmatisons pas tel ou tel pays, ce qui n'est pas de notre compétence, mais nous nous bornons à souligner, à soutenir des luttes individuelles ou les tourments de femmes et d'hommes qui œuvrent pour un même respect des droits inaliénables de la personne parce qu'il demeure le fondement de nos sociétés organisées.

 

Aussi faudra-t-il attribuer longtemps encore ce prix parce que la défense des droits de l'homme qui demeure le seul périmètre du droit digne d'être défendu par un avocat et consubstantiel à la profession d'avocat. Et c'est l'occasion de remercier ici ceux grâce auxquels ce Prix peut être chaque année doté et décerné décerné l’Institut de Formation en Droits de l’Homme du Barreau de Paris, l’Institut des Droits de l’Homme du Barreau de Bruxelles, l’Institut des Droits de l’Homme du Barreau de Bordeaux, l'Unione forense per la tutela dei diritti dell'uomo et l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, dont sont membres de grands barreaux européens investis dans les droits de l'homme comme la Rechtsanwaltskammer de Berlin, le barreau de Luxembourg ou le Conseil National des barreaux de Pologne.

 

Dès 1999, au delà de l’engagement circonstanciel et individuel, Ludovic Trarieux avait pressenti que l’engagement, qui le conduisit à délaisser les travaux du Sénat français dont il déserta la tribune, ne se concevait qu’avec une dimension internationale. Contre ceux qui voulaient se consacrer à l’action politique interne, lui, le premier, développa la dimension internationale de son action, que les autres après lui amplifièrent ou fédéreraient avec la création de la FIDH.  Il l’a fait au gré  des circonstances de son temps. Il savait que son message, devrait être toujours recommencé, en d’autres temps, sous d’autres cieux,

 

Sans doute,  Trarieux s’est il attaché davantage à la défense des peuple, des minorités opprimées. Peut être ne lui serait il pas venu à l’idée de défendre,  au-delà des frontières, tel individu nommé ou pris isolément. Sans doute encore moins de consacrer son effort a un membre d’une profession ou d’une corporation fut-ce celle à laquelle il appartenait. Etait-ce pour autant trahir son message que de donner son nom à un prix destiné à célébrer le combat ou les souffrances d’un avocat luttant pour la défense des droits de l’homme ? Lorsqu’en 1984, le Prix International des Droits de l’Homme Ludovic Trarieux  fut créé, distinguer un avocat n’était guère davantage convenable ou au goût du jour. Comme cela l’est devenu depuis. Les grands combats sont collectifs et anonymes. On a toujours célébré l’héroïsme du militant, héros singulier. On a dit par ailleurs le tribut payé par les journalistes. Nul ne semblait se préoccuper alors des avocats entant que tels.  La profession, creuset d’élites,  n’était elle pas vécue de par le monde comme engoncée dans ses traditions et protégée par ses privilèges ? Pourtant de l’Inde de Gandhi à l’Afrique du Sud de Mandela, force fut d’admettre  que la lutte d’un groupe ou d’une minorité pour les libertés fondamentales et l’état de droit passe assurément par la liberté d’expression, les droits de la défense et l’indépendance de la magistrature et des barreaux. Et que les avocats en sont les premiers serviteurs et les meilleurs vecteurs. Ils le paient toujours par d’atroces souffrances, le plus souvent de leur liberté, parfois de leur vie.

 

 

C'est pourquoi, il est remarquable pour nous que ce prix soit remis aujourd'hui à Rome par l'Unione Forense Per la Tutela die Diritti Umani, c'est pourquoi nous devons remercier et féliciter tous les membres de l'Unione Forense d'avoir non seulement accepté de remettre ce prix à Rome sous leur égide, mais plus encore, le Président Mario Lana qui a eu le courage, pour la prermière fois, de faire en sorte que ce prix puisse être remis, malgrès les obstacles, de la main à la main à son lauréat.

 

Même si comme beaucoup d'autres, celui-ci n'a pas pu venir.

 

Il est vrai que si l'on dresse un bilan, alors que nous en sommes à la remise du treizième prix depuis 1984, date de création de ce prix, beaucoup de lauréats n'ont pas pu venir.

 

Nelson Mandela, bien sûr, le premier, mais c'était en 1985 et il était en prison depuis 23 ans et devait y passer cinq années supplémentaires,  Esber Yagmurdereli, condamné en Turquie à la prison à vie, et qui aura passé seize années de sa vie en prison,  aussi,   Akhtam Naisse, qui a passé sept années de sa vie en proiison en Syrie , ou  Nejib Hosni  étaient en prison eux aussi, mais fort heureusement, ils ont été libérés dans les semaines ou les mois qui ont suivis l'attribution du prix.

 

La prison, Zhou Guoqiang, en Chine,  et René Gomez Canzano, à Cuba, l'ont connue pendant de longues années, et s'ils venaient d'être libérés lors de la remise du Prix, ils n'ont pas eu le droit d'y assister.

 

S'ils n'ont pu venir, c'est parce que libérés, ils n'étaient pas pour autant libres et qu'ils ont payé leur combat pour la défense des droits fondamentaux d'une interdiction de quitter leur pays équivalente à une assignation à résidence.

 

Ou pire encore, que dans l'hypothèse où ils seraient sortis de leur pays pour venir recevoir ce prix, ils n'auraient jamais pu y retourner, payant ainsi leur combat de la peine supplémentaire de l'exil à vie.

 

Certes, nous célébrons ceux qui ont pu venir, auxquels nous avons pu remettre ce prix, que nous avons pu serrer fraternellement dans nos bras parce qu'ils défendaient les droits de l'homme au sacrifice de leur liberté au péril de leur vie, ce que nous n'avions pas réellement le courage de faire, nous qui ne risquons rien.

 

Et si, Augusto Zúñiga Paz , Jadranka Cigelj , Dalila Meziane, Barbara Zamora, Henry Burin des Rosiers ont pu venir  jusqu'à nous,  pour recevoir le prix que nous leurs avions décerné, c'est parce que les violences qu'ils ont subies ont été plus instantanées et plus physiques, mais peut être plus insupportables encore.

 

La véritable raison de tout cela c'est que le prix qui porte le nom d'un Sénateur français, Ludovic Trarieux, qui célèbrera à Paris l'année prochaine ses 25 années d'existence, ne peut pas être attribué à des combattants de salons, à des coureurs de micros, des discoureurs de plateaux télévisés ou à des quémandeurs de subventions. Il ne l'a jamais été et ne le sera jamais. Les lauréats de ce prix sont les emblématiques défenseurs, toujours altruistes et désintéressés,  des droits fondamentaux de leurs contemporains. De ces avocats, nous nous attachons, depuis bien vingt cinq ans,  à aller débusquer la douleur et la solitude quelle qu'en soit l'horreur ou la latitude.

 

Ce sont des défenseurs des droits de l'homme qui ont fait le sacrifice permanent de leur tranquillité, toujours de leur liberté, voir parfois même de leur vie,  soit qu'elle soit mise à prix et chaque jour en péril, comme celle d'Henri Burin des Roziers, soit qu'il l'ait perdue, comme Digna Ochoa. Quant à  Mehrangiz Kar qui a connue, elle aussi, en Iran, la détention pendant des mois,   si elle a pu recevoir personnellement son prix à Paris,  c'est uniquement parce qu'elle n'avait eu d'autre choix que l'exil après la prison.

 

Ainsi faut-il se faire une raison : beaucoup de lauréats passés et beaucoup de lauréats futurs ne viendront pas. Pourraient-ils venir d'ailleurs,  qu'ils n'en auraient peut être que moins de titres à recevoir ce prix .

 

Là est la raison de l'absence des lauréats. Et pour cela nous aurons toujours une affection particulière et renouvelée pour tous nos lauréats absents, comme Parvez Imroz, et tous ceux qui ne viendront jamais, parce qu'ils ne peuvent pas venir. 

 

Telle est la dure loi de ce prix,  hommage international des avocats à un avocat du monde, qui a "illustré par son œuvre, son activité ou ses souffrances, la défense du respect des droits de l'Homme, des droits de la défense, la suprématie du droit, la lutte contre les racismes et l'intolérance sous toutes leurs formes".

 

Aussi faut-il se féliciter de ce que cette année, Mario Lana ait décidé d'innover, avec résolution et courage.

 

Car, faut-il le dire, encore, le prix 2008 aura été remis deux fois ?

 

Ce prix physiquement, U Aye Myint, l'a reçu au mois de septembre et l'a accepté, clandestinement pour échapper aux trente cinq années de prison qui menaçait le lauréat pour le simple fait d'avoir reçu ce prix, en secret dans le havre diplomatique d'une ambassade ou le hall d'un hôtel de Rangoon.   Et ce prix, aujourd'hui, si symboliquement et in absentia, en votre présence, Mesdames et Messieurs, lui est ici, dans la cadre prestigieux du Sénat de la république italienne, remis une deuxième fois, aux yeux du monde, entre les mains d'un représentant du gouvernement de Birmanie en exil.

 

Ainsi, cette année le prix Ludovic Trarieux qui est, l'hommage  international des avocats à un avocat, doit-il s'adapter à des souffrances nouvelles, à des obstacles renouvelés et à des misères toujours recommencées. C'est pourquoi ce Prix existera quand nous ne serons plus là. C'est pourquoi aussi nous devrons davantage le doter, le structurer et diffuser son message afin de le pérenniser, l'année prochaine, à l'occasion de la célébration de son quart de siècle d'existence que nous commémorerons à Paris.

 

Cette année, il illustre en la personne de U Aye Myint, condamné à mort , en novembre 2003, pour avoir transmis des informations sur le recours continu au travail forcé en Birmanie à l'Organisation international du travail (OIT), qui a résolument fait face à la mort jusqu'à sa libération après que sa peine eut été commuée, puis fut à nouveau arrêté en août 2005, quelques mois après et condamné  à sept ans de prison pour avoir porté des plaintes de villageois à la connaissance de l’OIT, le courage, qui demeure à travers les époques,  la qualité primordiale des avocats, c'est-à-dire le courage qu'il faut en certains lieux ou en certains temps pour présenter la défense des droits fondamentaux de la personne humaine.

 

Et si, à travers lui, en ce jour,  nous soulignons l'importance des droits sociaux,  c'est aussi parce que nous n'oublions pas que,  depuis la conférence des Nations Unies de Vienne en 1993, les droits de l'homme sont inaliénables, imprescriptibles, universels mais aussi interdépendants. Protéger l'un d'entre eux c'est garantir et renforcer tous les autres.

 

C'est donc bien à travers le combat de U Aye Myint contre le travail forcé, cette universalité des droits de l'homme que nous célébrons ici aujourd'hui, en nous souvenant qu'un grand avocat de Rome  disait – belle devise pour les avocats du monde, et cela quel que soit le sens que vous voudrez bien lui donner - : "la liberté ne consiste pas à avoir un bon maître, mais à n'en point avoir."  Cet avocat vivait, ici,  il est vrai, il y a très longtemps : il s'appelait Cicéron.

 

Bertrand FAVREAU

*(texte traduit de l'italien par Amalia Pétaux-Pantano)

 

 

 

 

Beaudee Zawmin's Acceptance Speech

on behalf of U Aye Myint

at the 13th International Human Rights Prize “Ludovic Trarieux” 2008

 

President Schifani, Distinguished Guests, Lawyers, Parliamentarians, Ladies and Gentlemen:

 

I am deeply honored and proud to be here today to receive, on behalf of U Aye Myint, the "13th International Human Rights Prize “Ludovic Trarieux” 2008 awarded by the European Bar Human Rights Institute.

 

As a Representative of the Burmese Democratic Movement and fellow countryman I can assure you that U Aye Myint will be deeply grateful for the recognition that you have extended to him for his years of commitment to the efforts to restore justice, human and labor rights in our country, Burma.

 

If he were present here today, he, being a modest person, would say that there are many people in Burma who have made even greater sacrifices for the cause and therefore, deserve the prize more than him.

 

U Aye Myint is well-deserving of the award, but it should be seen as an award in acknowledgement of all human rights advocates who are fighting for supremacy of law and justice for the neglected and unfortunate people of Burma.

 

Burma is a country where people are deprived of basic rights. People are frequently arrested without warrant and held incommunicado. Torture and other forms of cruel, inhuman and degrading treatment are common in pre-trial detention.

 

Proceedings against political detainees have failed to meet international standards for fair trial. Defendants are often denied the right to legal counsel or to legal counsel of their own choice, and prosecutors are known to have relied on confessions extracted through torture and forced interrogation.

 

U Aye Myint`s selflessness, moral correctness, and deep compassion for the plight of the people have brought him to set up a legal aid group in Burma to handle cases of illegal land confiscation and workers' rights.

 

He has been imprisoned several times over cases that he has brought to the courts and to the International Labour Organisation, and has had his licence to practice revoked. He also suffered cruel and inhuman treatment while in prison. 

 

U Aye Myint and eight other persons were arrested on July 2003 by members of the Military Intelligence and charged for High Treason for their antigovernment activities and later released.

 

In 2005, U Aye Myint, brought to the attention of the ILO the complaints of residents of a village who claimed their land had been seized by the military.

 

Authorities alleged that he provided incorrect and false information and arrested him for the second time. He was charged for helping farmers report to the authorities and to the ILO that local officials had confiscated their land.

 

The Burmese military junta finally released Aye Myint. In 2007 U Aye Myint, provided legal aid to more than 100 construction workers from the new capital, Naypyidaw, planning to file a complaint with the ILO, claiming their company failed to pay wages to  them.

 

Recently, on January 15, 2008, U Aye Myint, as a leader of the Guiding Star Legal Aid group, handled complaints from a group of farmers who were promised some land by local officials.

 

After the farmers worked on it during the rainy season, they were informed that the land was owned by a relative of junta leader General Than Shwe. They were charged for criminal trespassing and now face imprisonment.

 

U Aye Myint is now seeking witnesses and preparing evidence from the jailed villagers’ family members in order to help the villagers bring a forced labour complaint to the ILO.

 

Aye Myint has said that he will continue to take up rights-related cases. Along with him the people of Burma today are continuing their struggle for democracy.  Many whom remain strong in unity and spirit. 

 

Even though the peaceful protests in September led by Buddhist monks in Burma were brutally crushed by the Burmese military who killed, maimed, and arrested many of them, our people are determined to continue with our peaceful, nonviolent struggle.

 

Our movement is strong and unwavering thanks to the courage and bravery of people like UAye Myint and the strong support of friends like yourselves.  By presenting the "13th International Human Rights Prize “Ludovic Trarieux” 2008 to U Aye Myint, the European Bar Human Rights Institute has given our democracy movement determination to continue the struggle.

 

For that, U Aye Myint and the people of Burma will always be grateful to the lawyers of the European Bar Human Rights Institute, the Italian Senate and the Foreign Ministry.

 

Thank You.

 

 

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Créé en 1984, le « Prix International des Droits de l'Homme – Ludovic Trarieux » est décerné à « un avocat sans distinction de nationalité ou de barreau, qui aura illustré par son œuvre, son activité ou ses souffrances, la défense du respect des droits de l'Homme, des droits de la défense, la suprématie du droit, la lutte contre les racismes et l'intolérance sous toutes leurs formes ».

 

Il est la plus ancienne et la plus prestigieuse des récompenses réservées à un avocat puisque son origine remonte au message de Ludovic Trarieux (1840-1904), fondateur, en 1898, au moment de l'Affaire Dreyfus, de la « Ligue des Droits de l'Homme et du Citoyen » : « Ce n'était pas seulement d'ailleurs la cause isolée d'un homme qui était à défendre, c'était, derrière cette cause, le droit, la justice, l'humanité ».

 

Un an après sa création, le Premier Prix a été attribué le 27 mars 1985 à Nelson Mandela alors emprisonné depuis 23 ans en Afrique du Sud. Il a été remis officiellement à sa fille, le 27 avril 1985, en présence de quarante bâtonniers venus d’Europe et d’Afrique. C’était alors le premier prix qui lui était décerné en France et le premier dans le monde par des confrères avocats. Cinq ans plus tard, le 11 février 1990, Nelson Mandela était libéré. A partir de cette date, le prix a été de nouveau attribué.

 

Depuis 2003, le prix est devenu l’Hommage désormais annuel des avocats à un avocat du monde. Il est décerné conjointement par l’Institut des Droits de l’Homme du Barreau de Bordeaux, l’Institut de Formation en Droits de l’Homme du Barreau de Paris, l’Institut des Droits de l’Homme du Barreau de Bruxelles, l'Unione forense per la tutela dei diritti dell'uomo (Rome) et l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens (IDHAE)), dont sont membres de grands barreaux européens investis dans les droits de l'homme au nombre desquels la Rechtsanwaltskammer de Berlin, l’Ordre français des Avocats du barreau de Bruxelles, le barreau de Luxembourg ou le Conseil National des barreaux de Pologne (Varsovie). Il est remis aux lauréats alternativement dans une des villes où chacun des instituts exerce son activité.

 

1985:     Nelson MANDELA (Afrique du Sud)

1992:     Augusto ZÚÑIGA PAZ (Pérou)  †

1994:     Jadranka CIGELJ (Bosnie-Herzégovine)

1996 Najib HOSNI (Tunisie) et Dalila MEZIANE (Algérie)

1998 : ZHOU Guoqiang (Chine)

2000 : Esber YAGMURDERELI (Turquie)

2002 : Mehrangiz KAR (Iran)

2003 : Digna OCHOA et Bárbara ZAMORA (Mexique).

2004 : Akhtam NAISSE (Syrie)

2005 : Henri BURIN DES ROZIERS (Brésil)

2006: Parvez IMROZ (Inde)

2007 : René GÓMEZ MANZANO (Cuba)

2008: U AYE MYINT (Birmanie) 

 

 

 

 



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