PRIX INTERNATIONAL DES DROITS DE L'HOMME
LUDOVIC-TRARIEUX 2013
Premio Internacional de Derechos
Humanos Ludovic Trarieux
2013
Internationalen Ludovic-Trarieux-Menschenrechtspreis
2013
Prêmio Internacional de Direitos
Humanos Ludovic Trarieux
2013
Premio Internazionale per i Diritti Umani Ludovic Trarieux 2013
Ludovic Trarieux Internationale Mensenrechtenprijs 2013
Since/Depuis/ Desde/Dal/Seit
1984
“The
award given by lawyers to a lawyer”
“L’hommage des avocats à un avocat ”
“El homenaje de abogados
a un abogado ”
“L'omaggio
degli avvocati ad un avvocato”
“Die Hommage von Anwälten zu einem Anwalt”
LE PRIX LUDOVIC-TRARIEUX 2013 (PDF)
AGISSEZ EN FAVEUR DE VADIM KURAMSHIN !
Remise
du Prix
International des
Droits de l’Homme
Ludovic-Trarieux 2013
à
Vadim Kuramshin
KAZAKHSTAN
à Paris le 5 décembre 2013
TELECHARGER
LA CEREMONIE DE REMISE DU PRIX LUDOVIC-TRARIEUX 2013 (PDF)
Souhaitant célébrer le
courage de Vadim Kuramshin, arrêté pour la première
fois le 23 janvier 2012, accusé de s’être livré à un chantage avec une vidéo
compromettante et à une extorsion d’argent à l’encontre d’un assistant du Procureur
de Lordaï (à la frontière du Kazakhstan), puis condamné
le 7 décembre 2012 à 12 ans de prison sous « régime strict » par le Tribunal
régional de Zhambyl, le 18ème Prix international Ludovic
Trarieux, illustrant la souffrance des avocats dans
le monde, a été remis à sa Mère Olga Koltunova par
Christiane Féral-Schuhl, lors d’une cérémonie qui
s’est déroulée à la Maison du Barreau de Paris le jeudi 5 décembre 2013.
Cette émouvante cérémonie, co-organisée
par l’Institut des Droit de l’Homme du Barreau de Bordeaux, l’Institut
de Formation en Droits de l’Homme du Barreau de
Paris, l’Institut des Droits de l’Homme du Barreau de Bruxelles, l’Unione Forense per la Tutela dei Diritti dell’Uomo, le Barreau de Luxembourg, l’Ordre des Avocats de
Genève, l’Union Internationale des Avocats et l’Institut des Droits de l’Homme
des Avocats Européens, s’est déroulée en présence des représentants des Barreaux
européens venus rendre hommage à l’avocat kazakh incarcéré. Madame le Bâtonnier
de Paris Christiane Féral-Schuhl a dénoncé les graves
violations dont sont victimes les défenseurs des Droits de l’Homme au
Kazakhstan, précédant en cela Christophe Pettiti,
Secrétaire Général de l’Institut de Formation en Droits de l’Homme du Barreau
de Paris et Bertrand Favreau, fondateur du Prix Ludovic Trarieux
en 1985 et Président du jury.
Depuis près de trente ans, le Prix International
des Droits de l’Homme Ludovic Trarieux, récompensant
le combat individuel d’un avocat dans le monde, nous rappelle
que le devoir d’indépendance demeure la première obligation de l’avocat ; nous
félicitons ceux qui en préservent l’essence, souvent au péril de leur liberté
et de leur intégrité physique, consacrant ainsi leur vie à la défense des Droits
de l’Homme.
Jean-René Tancrède
DISCOURS
DE Maître Christophe PETTITI ,
Secrétaire
Général de l’Institut de Formation en Droits de l’Homme du Barreau de Paris :
Droit,
Justice et Humanité
par Christophe Pettiti
J’ai le grand plaisir d’ouvrir la
cérémonie du 18ème Prix Ludovic Trarieux.
Créé en 1984, le « Prix International des Droits de l’Homme
– Ludovic-Trarieux » est décerné à « un avocat sans
distinction de nationalité ou de Barreau, qui aura illustré par son œuvre,
son activité ou ses souff rances, la défense du
respect des droits de l’Homme, des droits de la défense, la suprématie du
droit, la lutte contre les racismes et l’intolérance sous toutes leurs formes
». Il est la plus ancienne et la plus prestigieuse des récompenses réservées à
un avocat. Il a été créé par l’Institut des
droits de l’homme du Barreau de Bordeaux et son Président, le
Bâtonnier Bertrand Favreau. Son origine remonte au message de Ludovic Trarieux (1840-1904), fondateur, en 1898, au moment de l’Aff aire Dreyfus, de la « Ligue des Droits de l’Homme et du
Citoyen » : « Ce n’était pas seulement d’ailleurs la cause isolée d’un homme
qui était à défendre, c’était, derrière cette cause, le droit, la justice,
l’humanité ». Un an après sa création, le premier Prix a été attribué le 27 mars
1985 à Nelson Mandela alors emprisonné depuis 23 ans en Afrique du
Sud. Il a été remis officiellement
à sa fille, le 27 avril 1985. Depuis 2003, le prix est
devenu l’hommage désormais annuel des avocats à un avocat du monde.
Il est décerné conjointement par : l’Institut des droits
de l’homme du Barreau de Bordeaux, l’Institut de formation en droits de l’homme
du Barreau de Paris, l’Institut des droits de l’homme du Barreau de Bruxelles, l’Unione forense per la tutela dei diritti dell’uomo (Rome), la Rechtsanwaltskammer
de Berlin, le Barreau de Luxembourg, le Barreau de Genève, l’Union
Internationale des Avocats (UIA), et l’Institut des droits de l’homme des Avocats
Européens (IDHAE) dont sont membres de grands Barreaux européens investis dans
la défense des droits de l’homme comme le Barreau Polonais, et l’Association AED
(Avocats européens démocrates). Le prix a été remis en 1985 à Nelson Mandela (Afrique
du Sud) †, en 1992 à Augusto Zúñiga Paz (Pérou) †, en
1994 à Jadranka Cigelj (Bosnie-Herzégovine), en 1996
à Najib Hosni (Tunisie) et Dalila Meziane (Algérie), en
1998 à Zhou Guoqiang (Chine), en 2000 à Esber Yagmurdereli (Turquie), en
2002 à Mehrangiz Kar (Iran), en 2003 à Digna Ochoa et Bárbara Zamora
(Mexique), en 2004 à Akhtam Naisse (Syrie), en 2005 à
Henri Burin Des Roziers (Brésil), en 2006 à Parvez Imroz (Inde), en 2007 à René Gómez Manzano
(Cuba), en 2008 à U Aye Myint
(Birmanie), en 2009 à Beatrice Mtetwa (Zimbabwe), en 2010
à Karinna Moskalenko
(Russie), en 2011 à Fethi Terbil
(Libye) et en 2012 à Muharrem Erbey
(Turquie).
Réunis le 20 juin 2013, à Genève, le Jury de 29
avocats européens a attribué le 18ème Prix
International à Maître Vadim Kuramshin
du Kazakhstan.
Nous avons
le plaisir d’accueillir sa mère et son fi ls, le
lauréat étant toujours en prison. Je tiens à remercier l’ONG « Campagne
Kazakhstan » et notamment Clare Doyle qui apporte son aide à la famille de
Vadim, et qui nous a aidé à organiser la venue de Olga et Oleg Koltunova.
Notre cérémonie se déroulera en trois étapes.
Nous allons d’abord entendre Monsieur Bertrand
Favreau qui nous présentera le lauréat, puis Madame le Bâtonnier
Christiane Féral-Schuhl.
Madame le Bâtonnier, je vous remercie vivement
d’avoir accepté d’organiser, avec l’Institut des droits de l’homme du Barreau de
Paris, cette cérémonie en l’honneur de Vadim Kuramshin,
et surtout d’avoir placé cet événement en ouverture de la Rentrée du Barreau de
Paris. En cela, vous illustrez la place du Barreau de Paris dans la protection des
droits de l’homme, à laquelle vous avez été attachée pendant votre bâtonnat.
Vos prédécesseurs, et permettez-moi d’en citer deux - mais la liste serait
nécessairement plus longue - le Bâtonnier Mario Stasi et le
Bâtonnier Louis-Edmond Pettiti
seraient certainement fi ers de cette action. On avait l’habitude d’entendre, à
l’époque de leur bâtonnat, lorsqu’un avocat à travers le monde était arrêté la
formule « appelez le Bâtonnier de Paris ».
Ce soir, grâce à vous Madame le Bâtonnier, et à
vous tous réunis dans cette salle, le Barreau de Paris est présent dans ce
combat, aux cotés des grands Barreaux européens.
Madame le Bâtonnier, vous remettrez après votre discours le Prix à Madame Olga Koltunova, en présence des membres du Jury. Monsieur le
Bâtonnier Bertrand Faveau, je vous laisse nous présenter
Vadim Kuramshin.
Merci à vous tous d’être présents ce soir pour lui
et les 150 avocats persécutés dans le monde en 2013.
Christophe Pettiti
DISCOURS
DE Maître Bertrand FAVREAU,
fondateur
du Prix Ludovic Trarieux en 1985 et Président du jury
:
Ce procès
qui ne trompe personne
par
Bertrand Favreau
Le
Procès a eu lieu en
2012. Il n’est pas terminé. Ce que nous en entendons encore, c’est l’écho
lointain d’une condamnation programmée. La résonance d’un mot d’ordre venu du
cœur de l’Asie centrale : Il faut condamner l’avocat Kuramshin…
« Condamné Kuramshin,
levez-vous !
Vous allez maintenant entendre votre
Procès.
Vous pouvez vous expliquer librement,
mais sachez que notre décision est déjà prise. Pour assurer le cérémonial de
l’audience, nous tolérons la présence d’avocats.
Mais nous n’entendrons pas ceux que
vous avez choisis pour vous défendre :
La première a demandé le report du
Procès pour raison de santé, ce qui est déjà fâcheux, mais elle a de plus
outragé la Cour en se plaignant de traitements inhumains et dégradants commis à
votre encontre pendant et après votre arrestation, elle est donc à compter de
ce jour, interdite d’exercice professionnel. Sa licence d’avocat lui est
retirée avant tout débat à l’audience. Elle est sans plus attendre interdite de
tout exercice professionnel.
Condamné Kuramshin,
Nous ne saurions tolérer davantage que votre second Avocat, puisse s’expliquer
à sa guise. Lui aussi a outragé la Cour, en demandant à voir les pièces de
votre dossier, ce qui traduit un manque de confiance total dans l’impartialité
et l’indépendance de notre juridiction et la Cour a déjà décidé contre lui de
sanctions disciplinaires, et a saisi le collège des Avocats à cette fin.
Condamné Kuramshin,
la Cour a le devoir de vous exposer les voies de recours contre la décision que
nous avons déjà prise, et que nous allons prononcer.
Vous pourrez demander à tout moment la
confirmation de votre condamnation à une juridiction d’appel ou de cassation.
Votre condamnation ne manquera pas d’être ainsi maintenue, sur simple demande
de votre part, y compris par la juridiction suprême du pays.
Condamné Kuramshin, votre procès peut
à cet instant s’ouvrir ! Vous êtes- déjà - condamné
à 12 années de réclusion.
De surcroît,
nous vous informons qu’afin de vous permettre de venir à résipiscence, la Cour a d’ores et
déjà prévu un aménagement
de votre peine. Vous purgerez douze
années de réclusion avec
« régime strict », mais,
vous subirez cette peine dans
la colonie pénitentiaire EC
164/4, où vous pourrez ainsi mieux apprécier les traitements dont vous avez
calomnieusement dénoncé la cruauté. »
…CELA …
s’est passé en décembre 2012.
Vadim K. a été condamné sans être jugé. Quelque part entre la Russie et la Chine. Non loin de l’Europe, dans cette Asie que
l’on dit Centrale, et qui est plus éloignée de nous que l’Orient lointain
puisque extrême.
Le
verdict était attendu L’audience n’a été qu’un grand cérémonial d’éradication.
Un Procès politique maquillé en
infraction de droit commun
Ces
Procès-là nous les connaissons bien.
Alors qu’importe, même si le procédé ne trompe plus personne, ni ceux qui le
savaient déjà, ni les autres qui ne veulent pas le savoir. Il n’y a plus de
prisonnier d’Etat dans les prisons du monde. Il n’y a plus de prisonnier
politique. Ni nouveau Florestan, ni Egmont réincarné.
Il n’y a plus de prisonnier d’opinion. Il faut décourager les protestations des
institutions et des ONG. Les militants des droits de l’Homme, qu’ils soient
avocats ou non, ne sont que des condamnés de droit commun. Les charges
fabriquées les rangent, comme dans tous les pays, au nombre de ces délinquants,
au sujet desquels les Chancelleries ne protestent jamais.
Tout
avait commencé en 2011. Tout avait commencé par un massacre. A Janaozen, en décembre 2011. Ce n’était que des grévistes de
l’industrie pétrolière qui exerçaient pacifiquement leur droit de
manifestation. Officiellement il y a eu 15, puis 17 morts. Le nombre des
blessés lui est demeuré inavouable. Plus d’une centaine grièvement blessés par
balles. Sous la pression de l’opinion internationale, on a fini par condamner
cinq policiers de la région de Manguistaou et de la ville de Janaozen. A leur Procès,
de très nombreux collègues policiers sont venus dire qu’ils ne comprenaient
pas. Bien sûr, qu’ils avaient tiré eux aussi - ils l’ont certifié ! Ils
avaient tous tiré directement sur les grévistes et les manifestants. On s’en
doutait au vu du nombre de morts et de blessés graves. Mais jamais d’autres
poursuites n’ont été instaurées. Depuis, on a méthodiquement poursuivi au
contraire tous ceux qui sont soupçonnés d’avoir de près ou de loin participé
aux manifestations pacifiques de Janaozen.
Trente-sept personnes ont été traduites en justice à Aktaou.
Selon le Rapport 2013 d’Amnesty International, la plupart d’entre elles ont
témoigné avoir été contraintes sous la torture de faire des « aveux. Elles ont
fait état de détention dans les sous-sols de postes de police, de détenus
déshabillés, frappés, y compris à coups de pied, par des agents des forces de
sécurité et, contraints à s’allonger ou à s’accroupir sur le sol de béton
froid, durant des heures jusqu’à en perdre connaissance, avant d’être aspergés
d’eau glacée.. Même les témoins de l’accusation se sont rétractés à audiences,
en révélant qu’eux-mêmes auraient été forcés sous la torture de témoigner
contre les accusés. Et, il n’y eut pas que cela…
Après les morts de Janaozen, ce fut le dirigeant d’un parti d’opposition non
reconnu qui a été condamné à une lourde peine d’emprisonnement à l’issue d’un procès non équitable. Puis, tous les
organes de presse, indépendants ou de l’opposition, encore en activité ont été
fermés pour « extrémisme ». La plainte du procureur était d’ailleurs
formelle : elle disait que le pluralisme de la presse n’est qu’un facteur
d’incitation à la discorde sociale et une menace pour la sécurité nationale.
Le
Procès de Vadim Kuramshin a donc eu lieu. Kuramshin était censé avoir fait du chantage aux
fonctionnaires du nouveau Procureur de Kordaï, dans
le sud du pays. La vidéo filmant le fonctionnaire en train de négocier à son
profit un avantage illicite pour restituer une automobile confisquée, a été publiée sur Internet. Vadim Kuramshin
ne s’en était pas caché. Son commentaire était à visage découvert.
Certes
il a demandé la restitution des sommes. Il a même cru l’obtenir tout juste
après l’aveu du forfait. Mais, à l’instant où il s’est présenté, le 23 janvier
2012, à Kordaï, c’est une brigade du Bureau spécial
de lutte contre le crime organisé, prévenue et venue à l’avance de plusieurs
centaines de kilomètres, qui l’attendait déjà. Il fut – une première fois –
arrêté et détenu. Le piège s’était
refermé.
Ses
amis s’interrogeaient et ne comprenaient pas. Comment avait-il pu faire du
chantage en menaçant de la révélation d’un enregistrement dont il n’était même
pas l’auteur, et qui était depuis longtemps déjà en accès libre, au vu et su de
tous, sur internet ? Ou pouvait donc être la menace ?
Saisi
des poursuites, le jury du Tribunal de Kordaï ne
comprit pas davantage. L’évidence le démontrait : l’affaire était montée
de toutes pièces. Kuramshin ne pouvait pas, et
n’avait pas commis d’extorsion de fonds. Le 28 août 2012, le jury du Tribunal
de Kordaï refusant toute instrumentalisation, l’a
acquitté, à l’unanimité, et l’a rendu immédiatement à une liberté qu’il
n’aurait jamais dû perdre. Ainsi, Vadim Kuramshin
était-il innocent. Mais comme le dit une réplique célèbre d’un livre fameux: « l’innocence ne simplifie l’affaire en rien
». Bien au contraire. Et, libre, il ne le fut que pour quelques semaines.
Cette
année-là, en effet, Kuramshin ne connut que deux mois
de liberté. Mais il les employa pleinement. Sans doute, le vit-on trop ? A
Varsovie en septembre et octobre 2012 où il vint témoigner devant l’OSCE sur
l’absence de mise en oeuvre des engagements pris par
son pays concernant notamment la dimension humaine de la condition
pénitentiaire. Mais aussi, aux quatre coins du pays, pour enquêter sur la
condition des détenus.
Décidément,
Vadim Kuramshin récidivait. Décidément, le message
n’avait pas été entendu : il fallait condamner l’Avocat Kuramshin. Il fallait, trouver, donc, des Juges qui
veuillent bien, d’abord, par tout moyen, mettre à néant la proclamation de son
innocence.
La
même année, dès octobre, on les trouva sans peine. Ils se chargèrent de trouver
des vices de forme dans cet acquittement qui avait tout pour déplaire, en haut
lieu. Le 31 octobre 2012, le verdict de Kordaï fut
annulé d’un trait de plume serve par le tribunal régional du district de
Djambul.
Ce jour là, Vadim Kuramshin se
trouvait à l’extrême nord du pays, à Petropavl. Pouvait-il songer un instant
que le destin l’attendait, là, tout près de la frontière russe, si près d’Omsk,
et de cette « Maison des morts », où Dostoïevski, le condamné, avait
connu le bagne pendant quatre années ? Le jour même, de la décision dont
le dernier mot n’était pas écrit, l’on a pu voir une escouade de policiers,
dépêchée bien à l’avance à Petropavl, fondre sur Kuramshin
pour s’emparer de lui, comme les aigles des chasseurs Berkutchis,
à la saison d’hiver, se jettent sur les renards dans les steppes,
On le
tenait bien cette fois. Arrêté dans l’extrême nord, il fut conduit à travers
tout le pays pour revenir vers Taraz. Au prix de
mille maux, de mauvais traitements, comme on peut en infliger de façon
jubilatoire à celui qui les a trop longtemps dénoncés. A bout de forces, Kuramashin c’est tailladé les veines. Comportement
inacceptable qui lui valut d’être placé à l’isolement pour violation des
conditions de détention. Cette fois ci, c’est le Tribunal Régional du Djambul,
lui qui avait déjà suffisamment démontré son impartialité en annulant
l’acquittement, qui allait s’occuper de lui. Après la forme, il allait se
charger du fond. Son Procès y commença le 20 novembre 2012.
De ce Procès
il ne sut rien. Il n’eut pas les pièces de son dossier. Il n’eut pas d’avocats.
Ses défenseurs c’étaient Raziya Nurmasheva
et Iskander Alimbayev. L’une
fut radiée avant tout débat l’audience, et l’autre renvoyé pour être sanctionné
devant le collège disciplinaire des Avocats. Ils avaient commis une faute
professionnelle grave : un outrage à la Cour.
Outrageant,
en effet.. Raziya Nurmasheva n’avait-elle pas annoncé qu’elle évoquerait les
violences et les mauvais traitements, de toutes natures, commis par les forces
de l’ordre à l’encontre de Vadim Kuramshin ?
Raziya
Nurmasheva et Iskander Alimbayev n’avaient-il pas, enfin, déposé des conclusions
afin d’obtenir la communication du dossier et revendiqué le droit d’examiner
les éléments de preuve ?
Outrageante
défense, il est vrai ! Puisque, nous le savons, des preuves ils n’avaient
pas en connaître : il y en avait pas. La culpabilité était démontrée par
ce simple syllogisme : puisque nul ne saurait ignorer que la corruption
n’existe pas au pays des steppes infinies, n’est-il pas évident qu’exiger la
restitution d’un pot-de-vin, n’est rien d’autre que tenter sciemment
d’extorquer des fonds à un malheureux fonctionnaire ? Demander des preuves
n’est-il pas d’évidence une manœuvre dilatoire ou bien encore le comble d’un
cynisme coupable ?
On
se doit de reconnaître toutefois, que par une extrême libéralité, la cour
infligea plutôt qu’elle n’accorda un avocat convenable à Vadim Kurmshin. Désigné d’office, celui-là n’encourra aucune
disgrâce : il resta obstinément muet à l’audience, plutôt que d’y achever
prématurément mais à jamais sa carrière. Mais, peut-être avait-il compris que
parler est inutile devant un Tribunal déterminé à ne rien entendre ? Rien.
Même pas les protestations écrites, fermes et détaillées, adressées par le
premier Tribunal de Kordaï, affirmant dans un cri
d’indépendance, que Kuramshin avait été acquitté
parce qu’il était totalement innocent.
Le
7 décembre 2012 Vadim Kuramchin fut condamné à 12 ans
de prison et à la confiscation de ses biens pour extorsion de fonds. Qu’importe
les recours. Appel. Cassation, Révision. Depuis, Vadim K. purge pour encore
plus de onze années, sa peine.
Cela
semble irréel, mais est-ce vraiment nouveau ? Car, nous avons l’impression
d’avoir rencontré cela quelque part, de l’avoir su, ou plutôt de l’avoir lu.
Serait-ce véritablement le hasard qui nous offre jusqu’à la réminiscence d’une
initiale ? Ce Procès viendrait il ainsi, tristement, donner enfin son nom
complet à cette initiale d’un héros tragique et dérisoire, sorti il y a cent
ans très exactement de l’imagination féconde d’un romancier pragois, qui est
aussi l’auteur de la Colonie pénitentiaire ? Cet autre Monsieur K
qui avait, au fond, la même quête, lui qui s’interrogeait au gré de son
parcours initiatique judiciaire, en découvrant le portrait de ce juge qui avait
ardemment souhaité se faire peindre sur un trône : «Peut-être est-ce
mon juge ? »
Le
Procès de Monsieur K. ? Oh oui !
Cela semble tellement facile, galvaudé caricatural, presque aux frontières du
trivial, puisque redit, rabâché, éculé même. Pourtant, il est des moments où le
vrai peut n’être pas vraisemblable. Il y a si longtemps, que l’on aurait pu
croire cela, imaginaire ou révolu. Mais qui ne sent, ici, sourdre du plus profond
de lui-même, les remugles de cette évocation que nous pensions n’être que
fiction, d’une « organisation qui n’emploie pas
seulement des gardiens corrompus, des inspecteurs et des juges d’instruction
ridicules », et
nous voyons revenir nous hanter les fantômes obsédants de cette
« magistrature appartenant à une
instance supérieure ou suprême, avec son cortège innombrable et incontournable
de serviteurs, de scribes, de gendarmes et d’autres auxiliaires, peut-être même
de bourreaux… »
Mais
alors, qu’avait bien pu faire, en vérité, Vadim Kuramshin,
pour mériter cela ? Sans doute depuis des années, Kuramshin
s’était-il trop fait remarquer dans son pays, non pas seulement parce qu’il
luttait contre la corruption, mais aussi parce qu’il défendait le droit à la
dignité les prisonniers, et menait des investigations sur le meurtre de
prisonniers gênants. Il avait médité et partagé la conviction que Dostoïevski
avait retiré de quatre années d’expériences
douloureuses, à la prison de transit de Tobolsk, puis au bagne d’Omsk. Celle-là
même qu’il a exprimé en une phrase– que l’on cite à l’envie sous une forme ou
sous une autre, en exergue des déclarations ou des rapports, sans jamais en
tirer au demeurant les conséquences – qui dit qu’on ne connaît le degré d’une
société qu’en connaissant ses prisons. Sans doute aussi parce qu’il vivait aux
pays du goulag de Karaganda, Vadim Kuramshin avait-il
plus que tout autre le sentiment de l’implacable dureté des conditions
détention. Les touristes, eux, lorsqu’ils se rendent aujourd’hui dans la maisons de rondins où vécut, à Semeï, Dostoievski,
alors libre, n’y voient, faute de clichés plus anciens datant du bagne, que les
photos des prisonniers du Karlag, avec leurs visages
émaciés, hagards ou hallucinés. Certes n’exagérons rien, rien n’est plus comme
avant. Mais cela reste le point de vue de ceux qui sont à l’extérieur, ce n’est
pas la vision du prisonnier d’aujourd’hui qui ne connaît les conditions
carcérales des centres pénitentiaires que de l’intérieur. Ce qu’avait fait Kuramshin, c’est dénoncer le fait que pour les reclus
d’aujourd’hui, à l’intérieur, rien n’avait vraiment changé.
Plus
encore, Kuramshin avait fourni des rapports précieux
à l’OSCE démontrant que l’État ne respectait ni pour les élections, ni pour la
liberté d’expression, ni pour les mauvais traitements dans les prisons – et on
limitera à cela le florilège - des « engagements de Madrid », qu’il
n’avait en réalité signés que pour obtenir la présidence temporaire de
l’organisation, sans avoir aucune intention de les respecter.
Ainsi,
Kuramshin fut-il un imprécateur, un lanceur d’alerte
des steppes. Il n’est pas que cette « belle âme », dépeinte par Hegel,
puisqu’il est plus que cela, son complément, plus que son contraire : il est
une conscience agissante aussi. Donc un traître à l’appareil d’Etat.
C’est bien pour cela, que dans le silence des
steppes sablonneuses de l’Asie centrale, Vadim Kuramshin
purge pour plus de onze ans encore, sa peine dans la colonie pénitentiaire EC
164/4, près de Grosny.
Sans
avoir été jugé, même par la Cour suprême, qui, en ce récent 25 novembre, a
refusé de tout entendre.
Pierre
Bourdieu a dit, un jour, que le passage le plus signifiant, le plus
déterminant, pour lui, dans le Procès
de Monsieur K – mais, dira-t-on, une seule clé pourrait-elle ouvrir autant de
serrures ? – c’était cette phrase, dans les toutes dernières lignes du
roman : « Où était ce juge qu’il
n’avait jamais vu ? Où était la Haute cour à laquelle il n’était jamais parvenu
? »
Ce
juge, tant d’autres ne l’ont jamais vu, ou beaucoup trop tard. Kuramshin n’est pas la seule victime. Il y en a eu avant,
et après.
En 2011, Tatiana Solokova,
a été condamnée à 6 ans de prison, pour incitation aux troubles sociaux, parce
qu’elle était l’avocate d’un syndicat d’employés qui luttaient par la grève
pour une augmentions de leur salaire. En 2013, des policiers ont forcé la porte
de l’appartement de Zinaida Mukhortova,
qui est elle aussi, une avocate qui dénonce des affaires de corruption et les
interventions politiques dans le système judiciaire. Elle est, ce soir, dans
cette salle et je veux lui adresser notre témoignage public d’admiration et de
soutien.. Elle a été contrainte par la force de monter
dans une ambulance pour être internée à l'hôpital psychiatrique de Balkhash. Certes, elle a été – provisoirement –
« libérée » le premier novembre. Mais, il y a trois jours, une cour a
rejeté son recours, ouvrant ainsi le risque imminent d’un nouvel internement.
Face
à tant d’injustice obstinée, face à l’indifférence des brutes et des cyniques,
en présence de sa mère, Madame Olga Stepanovna, elle, qui a vécu ce calvaire, au jour le
jour,
comment
ne pas s’indigner et entendre en écho quelques-uns des 16 vers de colère, que
Lermontov écrivait, juste avant qu’il ne soit relégué au Caucase, même s’il y
évoquait la mort d’un poète et non pas - comme nous le voudrions ce soir- ce
qu’il appelait Un héros de notre temps :
« Vous,
dont la troupe avide environne le trône,
Vous
vous dissimulez à l’ombre de la loi,
Justice
et vérité, pour vous, sont lettre morte !
Mais
sachez qu’il existe, O monstres dépravés,
Un
autre tribunal, un juge redoutable !
Insensible
à l’appel de l’or, il vous attend.
À
l’avance il connaît les actes et les causes.
Alors,
vous aurez beau user de calomnies,
Vos
propos médisants ne serviront de rien. »
Au-delà de ce cri de colère, qui est très exactement
celui que nous exprimons ce soir, c’est à un autre poète qu’il convient de nous
référer. Parce qu’il nous ouvre le chemin. Car c’est dans un poème, aussi, que l’auteur
des Brigands a comparé l’histoire du
monde au tribunal du monde. Schiller y affirmait, le premier, avant de susciter
la glose des philosophes : l’histoire du monde EST le tribunal du monde. Sans
doute le poème s’appelait-il : « Résignation », et le
temps n’est pas, pour nous, à la résignation. C’est au contraire, plus que
jamais, comme le disait, en son temps, Ludovic Trarieux :
« l’heure des généreux enthousiasmes et des résolutions saintes »
Car,
le tribunal du monde a déjà tranché – nous le savons
déjà. On ne saurait citer la longue litanie des condamnations et les appels
aussi innombrables que répétés, des Nations unies à l’OSCE, du Parlement
européen, à toutes les grandes ONG réunies ; de tous les barreaux du
monde. Ce Tribunal-là, a, dès aujourd’hui, absout Kuramshin.
En août 2013, ce sont trois rapporteurs spéciaux des Nations Unis, le
Rapporteur spécial pour les défenseurs des droits de l’Homme, celui pour
l’indépendance des Juges et des avocats, et la Rapporteur sur la torture et
autres traitements inhumains et dégradants, qui ont conjugué leurs efforts,
pour donner plus de force au cri d’alarme conjoint qu’ils ont lancé sur les
risques imminents d’atteinte à l’intégrité physiques et psychiques encourues
par Vadim Kuramshin. Là encore, Rien n’y a fait.
Il est
un tribunal plus exigeant. Ce tribunal plus implacable, c’est le tribunal de
l’histoire.
Nous
le sentons, nous le ressentons, nous le pressentons : demain, le Jugement de
l’Histoire acquittera Vadim Kuramshin. Dans un mois,
dans un an ou dans 10, il sortira de prison.
Plutarque
raconte qu’avant de partir pour l’Asie, de traverser la Sogdiane et de franchir
le lit de l’Iaxartés, là, où commençaient les terres
des Scythes et des Massagètes, avant d’entrer dans la vallée de ce fleuve, que
l’on nomme aujourd’hui Syr Darya
et qui baigne les terres que nous évoquons ce soir, Alexandre le Grand avait
voulu se dépouiller de tous ses biens au profit de ses proches et de ses amis.
Et, quand Perdicas, lui demanda. « Et pour toi que
gardes- tu ? ». Alexandre, qui n’avait désormais plus rien, lui a
répondu : « l’espérance»…Puis, il a franchi le Syr Darya…
Aujourd’hui,
c’est en témoignage résolu de cette espérance, Madame Olga Stepanovna, que – dans quelques
instants - Madame la bâtonnière de ce barreau qui est sans doute le plus illustre par le tribut payé au cours
des siècles à la défense des autres, qui est la référence par les engagements
tenus et les sacrifices consentis, à toutes les époques et sous tous les types
de régimes, sous toutes les latitudes à la fonction de défendre envers et
contre tout, va vous remettre ce 18eme Prix, qui – malheureusement - illustre
les plus grandes souffrances et dont tous les lauréats réunis depuis trente
ans, ont du endurer des peines de prison qui,
cumulées doivent représenter non loin de cent années... Il ne s’agit pas
de récompense, mais d’espérance. Car, tous ceux qui ont été condamnés ont été
libérés.
Nous
le savons- le nom de kazakh – et cela sur quelque sol qu’il se trouve
- n’est pas un nom qui désigne une ethnie. Il a un sens plus profond. Au
XIIIe siècle, en langage turco-arabe, il signifiait déjà «homme
libre».
Alors,
Oui, Liberté…
Liberté
pour Vadim Kuramashin, l’emmuré des steppes.
Justice
et réparation pour Zinaida Mukhortova
Justice
et réparation pour Raziya Nurmasheva
et Iskander Alimbayev
Mais
aussi : Liberté pour. Tous ceux qui au cours des tout derniers mois ont,
eux aussi, connu les affres d’une décision injuste,
Liberté
pour Bakhtiar Mammadov, condamné en février dernier, à
huit ans de prison pour extorsion en Azerbaijan,
Liberté,
en Iran, pour Abdolfattah Soltani
condamné à 13 ans de prison, pour Mohammad Ali Dadkhah,
neuf ans de prison, pour Mohammad Seifzadeh, re- condamné à six ans de prison, après une peine de deux
ans,
Liberté
pour Filiz Kalayci, Hasan Anlar Vargün, Sevil
Araci Bek et Tugay Bek condamnés en des peines
de six et sept ans de prison et tous les avocats prisonniers politiques en
Turquie,
Liberté
au Vietnam… pour Cù Huy Hà Vũ, qui purge 7 années de prison et pour Le Quoc Quan, condamné, il y a peu,
à deux ans et demi de prison
Liberté
pour tous, car tous, - et tous les autres que l’ont
voudrait pouvoir citer, qui attendent quelque part leur inéluctable
condamnation et que nous n’oublierons pas – tous, ont été victimes d’un seul et
même mal.
L’histoire
dira quel est leur crime, ou plutôt leur erreur. Comme Vadim Kuramshin, au pays des steppes sablonneuses et infinies,
parce qu’ils se consacraient à la défense des droits de l’homme, ils avaient
cru qu’ils rencontreraient, un jour, en un lieu pour un instant, ce que nous
appelons-nous : Un Juge.
DISCOURS
DE Madame le Bâtonnier de Paris Christiane FERAL-SCHUHL :
Il
n’est pire crime que se taire...
par Christiane Féral-Schuhl
Il n’y aura pas de paix sur cette planète tant que
les droits de l’homme seront violés en quelque partie du monde que ce soit. »
Ainsi s’exprimait René Cassin dans le cadre de la
Déclaration universelle des droits de l’Homme,
Ajoutant : « La méconnaissance et le mépris des
droits de l’Homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la
conscience de l’humanité... ».
- Décembre 1991 : Le Kazakhstan, dernière
république soviétique, proclame son indépendance de l’URSS… Noursoultan
Nazarbayev est élu Président de la République. Très
rapidement, les espoirs s’effilochent, s’étiolent : Les réformes tant attendues
ne sont que la copie d’un système de gestion économique, politique, en tous points
identiques au régime auquel ce pays pensait pouvoir échapper. Le Kazakhstan est
passé d’une république soviétique à une dictature présidentielle…
L’Histoire bégaie.
- 2013 : La succession de Noursoultan
Nazarbayev, lequel a obtenu le titre de président à
vie, se pose.
Il s’en suit une véritable « Chasse à l’homme ». Celles
et ceux qui ont l’outrecuidance de défendre les droits humains, de dénoncer l’indicible
sont des criminels pourchassés, emprisonnés par le régime en place.
Depuis deux ans, La répression à l’encontre de la
société civile, des médias, des mouvements d’opposition ne cesse
de s’intensifier.
Une répression dénoncée par Amnesty International, Human Rights Watch.
Le Barreau de Paris, à l’instar des membres de la
Coalition mondiale contre la peine de mort, s’émeut face au risque d’un élargissement
du champ de la peine capitale à l’heure où le Kazakhstan réforme son code
pénal.
Combien de crimes seront-ils passibles de la peine de
mort dans les mois à venir ?
- Répression, Régression… Une répression qui
franchit les frontières du Kazakhstan.
Les autorités Kazakhs n’hésitent pas à utiliser les
mandats d’arrêts d’Interpol en vue de poursuivre leurs dissidents politiques en
Europe.
Un seul objectif : Les museler, les réduire au
silence… Ainsi,
- Aujourd’hui, 5 décembre, La Chambre de l’instruction
d’Aix en Provence examine la demande d’extradition formée contre l’opposant Mukhtar Ablyasov, arrêté en
France, le 31 juillet dernier, détenu en France.
Son épouse et sa fille ont été renvoyées au Kazakhstan
par l’Italie, au mépris du respect de la législation, cela en l’espace de 72
heures par avion affrété par le Kazakhstan.
- Le 8 novembre dernier, Le tribunal espagnol «
Audiencia Nacional » a confirmé en dernier ressort
l’extradition
d’Alexandre
Pavlov, principal collaborateur de Mukhtar Ablyasov.
Son sort est actuellement entre les mains du Gouvernement
espagnol.
De par sa tradition, La France, le Barreau de Paris
n’ont de cesse d’être les ambassadeurs du respect des
droits de l’homme, de la défense, de la liberté d’expression, de la liberté d’aller
et venir.
Le Barreau de Paris est impliqué, Prenant fait et
cause, S’insurgeant contre toute atteinte portée à la dignité humaine,
Dénonçant les discriminations, les violences physiques,
morales.
Madame, Monsieur, Comme vous le savez,
J’ai demandé au Président du Kazahkstan
de libérer votre fi ls, votre frère.
J’ai également tenu à faire part de nos inquiétudes
à Laurent Fabius, Ministre des Affaires Etrangères, quant aux difficultés
rencontrées par nos confrères ainsi que du fait de l’élargissement du champ d’application
de la peine de mort.
Nous avons également évoqué les menaces pesantsur la profession d’avocat au Kazakhstan, son
indépendance.
Madame, Monsieur, Soyez fi ers…Fiers d’un homme,
dont le combat s’inscrit dans la recherche de la liberté, de la défense des
droits humains.
Ce confrère qui est notre frère.
Ce confrère dont nous avons appris la semaine dernière
que son recours avait été rejeté par la Cour Suprême du Kazakhstan.
Son combat est le nôtre.
Il ne cessera jamais.
Les principes démocratiques doivent triompher.
Il n’est pire crime que se taire...
Christiane Féral-Schuhl
DISCOURS
DE Madame Olga Stepanovna Koltunova,
Au
nom de son fils
Vadim
KURAMSHIN emprisonné.
Lutter pour la liberté
par Olga Koltunova
Chers
amis,
Pour
commencer, je voudrais dire quelques mots de la part de Vadim.
« Depuis mon enfance j'ai toujours été
particulièrement passionné par la France. J'ai lu des auteurs français,
notamment mes favoris Maurice Druon et Alexandre Dumas. J'ai toujours rêvé de
visiter la France, de visiter les lieux historiques dans lesquels l'esprit de
la liberté, de la résistance et de la lutte pour les Droits de l'Homme vit. Votre
décision, je l'ai prise comme un grand honneur, spécialement le fait que mon
humble nom va apparaître aux côtés de Ludovic Trarieux
– l'illustre avocat- défenseur des droits des simples gens. Malgré mon horrible situation, je ne suis pas
brisé et je ne perds pas espoir. J'espère sincèrement que très prochainement je
pourrais vous adresser personnellement ma profonde et respectueuse gratitude
dans la formidable ville de Paris.
Quand les forces au Kazakhstan se réveilleront
alors on rouvrira correctement mon cas, dans lequel il n'est question d'aucun
crime, et justice sera faite. Cet espoir me donne de la force. Encore une fois
merci à vous, cher-es confrères. »
DISCOURS de Madame
Olga Stepanovna
mère de
Vadim KURAMSHIN
Mes
chers amis, merci, merci à vous tous.
Mon
fils a grandi sans un père et j'ai passé presque toute ma vie au travail. Vadim
a grandi avec sa grand-mère, qui venait d'une famille noble et son grand-père,
vétéran et membre du Parti communiste. Ce couple inhabituel était mes parents.
Mon fils s'est développé seul avec l'aide de sa grand-mère et tient son amour
des gens de son grand-père. De cette manière, s'est formé un homme avec une
conscience civique active. Déjà très jeune, Vadim avait transformé son petit
appartement en bureau pour recevoir et aider les gens. Il portait assistance à
tout le monde et a été persécuté pour cela.
En
1998, il a regroupé des petits paysans ensemble pour essayer de récupérer leurs
propriétés, illégalement expropriés par le gouverneur de la région. Après avoir
parlé à la télévision quand il avait 20 ans au sujet d'une affaire datant de
quatre ou cinq années déjà, il a été jeté en prison. En 2006, il a défendu des
petits villageois à nouveau. Et après la publication d'une interview de lui
dans un journal, il a été accusé de
diffamation et emprisonné. En 2010, Vadim, avec ses collègues, a annoncé le
lancement d'un mouvement national appelé «contrer la tyrannie». Il a défendu
des gens à travers tout le Kazakhstan. Il est très connu pour son soutien aux
droits des prisonniers qui souffrent de la torture et de la malnutrition. Et
encore une fois, il a été jeté en prison.
Je
suis fière de mon fils et doublement pleine de gratitude envers vous.
Premièrement, pour la reconnaissance de mon fils à un tel niveau. Je vous
remercie bien sûr pour l'aide matérielle qui est tellement précieuse pour que
notre famille dans cette terrible situation d'isolement illégal que vit Vadim.
Sans cela nous ne pourrions pas poursuivre le combat pour sa réhabilitation et
sa libération auprès de la commission des Nations unies pour les droits de
l'Homme.
Comme
je l'ai dit en sortant de la Cour suprême à Astana, il y a tout
juste dix jours, lorsque les juges ont expédié en quelques minutes son
cas : «A Paris, on lui attribue un
prix prestigieux et dans son pays natal, il est encore envoyé onze longues
années en prison».
Merci
encore à vous.
Olga Koltunova
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone :
01.42.60.36.35
La délibération : Réuni le 20
juin 2013, au Palais de Justice de Genève, le Jury 2013, a attribué le 18ème
Prix International des Droits de l’Homme Ludovic-Trarieux
2013 “L’hommage des avocats à un avocat ” à l’avocat Vadim Kuramshin
du Kazakhstan.
Vadim Kuramshin est un avocat bien connu au Kazakhstan
pour défendre les droits des prisonniers et pour ses investigations sur les
meurtres de prisonniers gênants.
Vadim Kuramshin a été arrêté une première fois,
le 23 janvier 2012, et a été accusé de s’être livré à un chantage avec une
vidéo compromettante et à une extorsion d’argent à l’encontre d’un assistant du
procureur de Kordaï (à la frontière du Kazakhstan).
Après une grève de la faim pendant une semaine pour protester contre les poursuites,
il avait été libéré le 28 août 2012, après qu'un jury ait rejeté les premières
accusations portées contre lui.
Le 31 octobre 2012, le tribunal régional a décidé, en raison
d’"importants vices de procédures" d'annuler le précédent verdict du
premier jury. A la suite de quoi, Vadim Kuramshin a
été de nouveau arrêté le 31 octobre 2012.
Le 7 décembre 2012, Vadim Kuramshin a été condamné
à 12 ans de prison sous "régime strict" par le tribunal régional de Zhambyl sous l’accusation d’avoir voulu extorquer de
l'argent à l'assistant du procureur du district en vertu du paragraphe 4 de l'article
181 du Code pénal de la République du Kazakhstan. En outre, la cour a ordonné
la saisie de ses biens. Ce procès a largement été dénoncé pour le non-respect
des normes internationales.
Ses avocats, Raziya Nurmasheva
et Iskander Alimbayev, ont
été empêchés de le défendre au cours de l’audience. Ils se sont vus interdire
de parler des mauvais traitements traitement et les violations des droits de
l’homme commises à l’encontre de leur client par les forces de l'ordre. Lors de
l’audience du 7 Décembre 2012, la cour a pris une décision retirant sur le
siège,
sa licence d’avocat à Raziya Nurmasheva afin de
l’empêcher de parler et par la même décision, la juridiction a décidé de
demander à l’Ordre des Avocats de prendre des sanctions disciplinaires contre Iskander Alimbayev. Il leur a été
reproché d’avoir tenté de retarder inutilement le déroulement du procès. Dans
la réalité, ils avaient déposé des requêtes pour obtenir la communication des
éléments de preuve retenus contre Vadim Kuramshin,
que l’on refusait de leur donner. Le 14 février 2013, le tribunal régional de Taraz a rejeté l'appel de Vadim Kuramshin
et a confirmé la peine de 12 ans de prison
Le 4 mars 2013, Vadim Kuramshin a été transféré
pour être détenu dans la colonie pénitentiaire EC 164/4, celle-là même dont il avait
dénoncé le régime carcéral inhumain et dégradant.
Alors qu'il était toujours détenu, le Prix a été remis en son absence à
sa mère, par Madame FERAL-SCHUHL, batonnière de
l'Ordre des Avocats de Paris, le 5 décembre 2013.
Créé
en 1984, le « Prix International des Droits de l'Homme – Ludovic-Trarieux » est décerné à « un avocat sans distinction de
nationalité ou de barreau, qui aura illustré par son œuvre, son activité ou ses
souffrances, la défense du respect des droits de l'Homme, des droits de la
défense, la suprématie du droit, la lutte contre les racismes et l'intolérance
sous toutes leurs formes ».
Il
est la plus ancienne et la plus prestigieuse des récompenses réservées à un
avocat puisque son origine remonte au message de Ludovic Trarieux
(1840-1904), fondateur, en 1898, au moment de l'Affaire Dreyfus, de la « Ligue
des Droits de l'Homme et du Citoyen » : « Ce n'était pas seulement d'ailleurs
la cause isolée d'un homme qui était à défendre, c'était, derrière cette cause,
le droit, la justice, l'humanité ».
Un
an après sa création, le Premier Prix a été attribué le 27 mars 1985 à Nelson
Mandela alors emprisonné depuis 23 ans en Afrique du Sud. Il a été remis officiellement
à sa fille, le 27 avril 1985, en présence de quarante bâtonniers venus d’Europe
et d’Afrique. C’était alors le premier prix qui lui était décerné en France et
le premier dans le monde par des confrères avocats. Cinq ans plus tard, le 11
février 1990, Nelson Mandela était libéré. A partir de cette date, le prix a
été de nouveau attribué.
Depuis
2003, le prix est devenu l’Hommage désormais annuel des avocats à un avocat du
monde. Il est décerné conjointement par l’Institut des Droits de l’Homme du
Barreau de Bordeaux, l’Institut de Formation en Droits de l’Homme du Barreau de
Paris, l’Institut des Droits de l’Homme du Barreau de Bruxelles, l'Unione forense per la tutela dei diritti dell'uomo (Rome) la Rechtsanwaltskammer
de Berlin, le barreau de Luxembourg, le barreau de Genève ainsi que l'Union
Internationale des Avocats (UIA) et l’Institut des Droits de l’Homme des
Avocats Européens (IDHAE)), dont sont membres de grands barreaux européens
investis dans la défense des droits de l'homme au nombre desquels Il est remis
aux lauréats alternativement dans une des villes où chacun des instituts exerce
son activité.
LAUREATS
DEPUIS
1984
1985: Nelson
MANDELA (Afrique du Sud)
1992: Augusto
ZÚÑIGA PAZ (Pérou) †
1994: Jadranka
CIGELJ (Bosnie-Herzégovine)
1996 Najib HOSNI
(Tunisie) et Dalila MEZIANE (Algérie)
1998 : ZHOU Guoqiang
(Chine)
2000 : Esber YAGMURDERELI
(Turquie)
2002 : Mehrangiz KAR
(Iran)
2003 : Digna OCHOA et Bárbara ZAMORA (Mexique).
2004 : Akhtam NAISSE
(Syrie)
2005 : Henri BURIN DES ROZIERS (Brésil)
2006: Parvez IMROZ (Inde)
2007 : René GÓMEZ MANZANO (Cuba)
2008 : U AYE MYINT (Birmanie)
2009 : Beatrice MTETWA (Zimbabwe)
2010 : Karinna MOSKALENKO
(Russie)
2011 : Fethi TERBIL
(Libye)
2012 : Muharrem ERBEY (Turquie)