Mehrangiz Kar
a reçu le prix Ludovic Trarieux 2002 à PARIS
Monsieur Guy CANIVET, Premier Président à la Cour de Cassation, .
Photo J.R.T.
Lire aussi : Mehrangiz KAR, lauréate du Prix LUDOVIC TRARIEUX 2002
félicite Mme Mehrangiz KAR après lui avoir remis le Prix .
En remettant cette récompense, Monsieur Guy CANIVET, a dit que ce prix représentait la reconnaissance de la plus haute juridiction de France pour son inaltérable combat pour les droits de l'homme, la justice et la liberté.
La récompense a été remise devant une nombreuse assistance de juristes, magistrats et avocats, au premier rang desquelles on pouvait reconnaître, Madame Gisèle HALIMI.
"Dans son remerciement Madame KAR a dit son émotion mais aussi sa tristesse car le fait d'accepter ce prix qui était une joie, avait un lourd tribut pour elle, car il impliquait qu'elle ne pouvait pas retourner en Iran, car elle serait inquiétée et poursuivie pour l'avoir accepté, comme elle avait été arrêtée et condamnée après avoir simplement participé à une conférence à Berlin en 2000.
"
Elle a souligné la situation dramatique des avocats iraniens en raison de l'existence d'une magistrature qui n'est pas indépendante qui les oblige à risquer leur liberté lorsqu'ils défendent des causes, notamment politiques.
Elle a remercié la France pour ce prix qui représentait un grand honneur pour elle.
Discours de
Monsieur le Président
Andréas KALOGEROPOULOS
ancien Juge au Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, Président de l'Union des Avocats Européens.
Mesdames
et Messieurs les Hauts Magistrats,
Messieurs
les Présidents,
Messieurs
les Bâtonniers,
Chers
Confrères,
Ma génération, ayant pris conscience sociale et politique dans l'après guerre, a lonqtemps cru à un développement linéaire et à un progrès social et économique sans interruption possible.
Elle a surtout cru, dans un sentiment d'optimisme et d'assurance que l'après guerre a suscité dans la plupart des pays européens, que les droits de l'homme et les libertés publiques inscrits dans les constitutions et les conventions internationales ne seraient plus menacés.
Que ces droits et ces libertés resteraient acquis à jamais à l'Occident, destinés à être garantis dans le reste du monde.
Si ces perspectives n'ont pas été démenties depuis, elles ont, tout au moins, été rendues incertaines dans plusieurs endroits du monde, y compris l'Europe.
Cette génération de l' après guerre, arrivée en maturité, a compris, à l'instar des générations qui l'ont précédée, et certainement de celles qui suivront, que les droits de l'homme, comme la civilisation elle-même, ne sont jamais définitivement conquis.
Que chaque jour, chaque homme et chaque société doit se battre, doit veiller pour s'assurer de leur respect et célébrer leur triomphe dans les faits'et dans les coeurs.
C'est donc avec une grande émotion que je participe aujourd'hui, en ma qualité du Président de l’Union des Avocats Européens, à cette cérémonie de célébration des droits de l'homme par la remise du Prix Ludovic Trarieux à une combattante pour ces droits.
Madame KAR, dont la vie est remplie de courage moral et spirituel, de résistance à la force d'oppression du pouvoir et des triomphes de la volonté humaine, triomples qu'elle obtient quand cette volonté décide de rester fidèle à son origine et constante dans ses objectifs.
Respectueux et admiratif devant les faits que vous avez accomplis et accomplissez, devant vos « faits d'armes » moraux, en défense des droits de l'homme et de la femme, si vous permettez cette tautologie, je suis fier de m'associer, d'associer le voix de l'Union des Avocats Européens, à l'hommage qui vous est rendu aujourd'hui par les Juristes français et européens et par tout homme et femme qui aspire à une liberté partagée par tous les êtres humains.
Discours de
Monsieur
Gilbert AZIBERT
Directeur de l'Ecole Nationale de la Magistrature.
Monsieur le
Premier Président, Mesdames et Messieurs les Présidents,
Messieurs les
Bâtonniers,
Mesdames et
Messieurs,
Depuis 1985, le
prix international des droits de l'Homme, ou prix Ludovic TRARIEUX, ainsi
dénommé en souvenir du défenseur des droits de l'homme ardent et convaincu que
fut ce brillant avocat, devenu plus tard garde des Sceaux, est décerné tous les
deux ans à un avocat ayant illustré par son oeuvre, son témoignage, ou son
engagement personnel la défense du respect des droits de l'Homme. Vous avez bien voulu inviter l'Ecole
Nationale de la Magistrature à participer
à la cérémonie de remise de ce prix, et je suis heureux et ému de me trouver à
vos côtés aujourd'hui.
Emu en premier
lieu de voir l'Ecole Nationale de la Magistrature associée à l'hommage rendu au
lauréat que vous avez distingué: Madame Mehrangiz KAR, avocate au barreau de
Téhéran. Par votre engagement
professionnel et personnel, et avec une détermination sans faille depuis plus
de vingt ans, vous avez, Madame, servi la cause des femmes dans un contexte où
leurs droits étaient niés, vous avez combattu pour la cause des plus faibles,
des enfants, souvent les premiers sacrifiés lorsqu' aucune voix ne s'élève pour
parler en leur nom.
vous avez
rappelé avec courage et malgré les menaces et les intimidations, que chaque
Homme est titulaire de droits fondamentaux, dont la reconnaissance et le
respect sont la marque indélébile de toute démocratie.
Le premier
titulaire du prix international des droits de l'Homme avait été, en 1985,
Monsieur Nelson Mandela. A sa suite, va
maintenant figurer le nom de Madame Mehrangiz KAR, et il faut souhaiter que ce
choix contribue à faire avancer la cause qu'elle a défendue et continue à
défendre avec courage.
Mais au delà de
l'émotion que provoque nécessairement l'évocation du combat mené par Madame
KAR, je suis particulièrement sensible au fait que lorsqu'il est question des
droits de l'Homme et de leur défense, l'école en charge de la formation des
magistrats français soit sollicitée et présente aux débats.
C'est en effet
au juge que la démocratie confie le rôle de gardien des libertés, et cette
mission implique des exigences fortes, qui composent aujourd'hui un corpus de
règles largement partagées au delà des frontières : impartialité, respect du
contradictoire, principe d'égalité entre les parties, respect de délais
raisonnables, droit à une défense.
A nous,
juristes pétris d'une culture commune, ces principes paraissent relever de
l'évidence . Nous les enseignons aux auditeurs de justice, nous nous attachons
à inculquer à ces futurs magistrats le respect du justiciable, de tout
justiciable, quels que soient son sexe, son origine, sa culture, quel que soit
son statut d'auteur d'infraction, ou de victime, et à ne jamais oublier que
tout être humain conserve, dans tous les cas, le droit d'être considéré comme
tel par son juge.
Et pourtant,
dans nos pratiques quotidiennes, nous savons par expérience combien il est
parfois délicat de mettre en oeuvre ces principes et d'assurer leur respect.
Où est ce
respect dans les heures d'attentes parfois imposées aux justiciables et aux
avocats dans les auditions parfois trop superficielles ou à la chaîne, dans les
décisions insuffisamment motivées et mal comprises, dans certaines motivations
maladroites et inutilement blessantes pour le justiciable ?
Face à la
multiplication des contentieux et aux impératifs de gestion de flux de dossiers
de plus en plus importants, nous devons garantir au justiciable une qualité de
service public qui passe par le respect de ces principes, à la fois simples et
exigeants. J'ai conscience qu'il s'agit
là d'un défi difficile à relever.
L'école que j'ai l'honneur de diriger s'est résolument engagée dans une
réflexion en profondeur sur ces questions.
Tout
naturellement en effet, l'Ecole Nationale de la Magistrature se situe ici en
première ligne, tant sur le terrain de la formation initiale , que dans
l'accompagnement des magistrats tout au long de leur carrière.
Ce défi, les
magistrats ne pourront le relever seuls.
Seuls, c'est à
dire sans les partenaires naturels du juge ou plus exactement de la justice que
sont les avocats, tant il est vrai qu'il ne saurait y avoir de justice digne de
ce nom sans l'existence d'une défense libre.
C'est donc
aujourd'hui une grande joie pour moi que de me trouver dans cette maison du
barreau, aux côtés des Bâtonniers de Paris et Bordeaux, et de très nombreux
avocats pour lesquels ils le savent j'ai le plus grand respect, et je souhaite
leur dire que notre école leur est largement ouverte.
Au delà des
corporatismes réducteurs, c'est par ce dialogue, ces échanges et cette volonté
commune d'aller de l'avant que nous apporterons notre contribution au respect
des droits de l'Homme.
Permettez moi Madame de vous
rendre hommage au nom des magistrats de demain qui auront en charge de rendre
la justice, vertu conférée à des hommes lesquels jamais ne devront oublier
qu'ils jugent des hommes que ceux-ci ont des droits inaliénables et que toute
démocratie implique le respect des droits de la défense.
Gilbert AZIBERT
Directeur de
l’Ecole Nationale de la Magistrature
Discours de
Monsieur le Bâtonnier
Thierry WICKERS
aux lieu et place de M. Bâtonnier du barreau de Bordeaux.
« Je dois à l'absence du
Bâtonnier DELAVALLADE, actuellement à BARCELONE, de participer pour la deuxième
fois consécutive à la remise du prix Ludovic TRARIEUX.
Je voudrais m'adresser d'abord à
vous, ma chère consoeur, pour me réjouir de votre présence au milieu de nous ce
soir - il n'est pas si fréquent, hélas, que le lauréat du prix puisse assister
à sa remise – et vous dire l'admiration, et la reconnaissance du Barreau de
BORDEAUX, pour votre combat au service des Droits de l'Homme.
C'est ensuite à mes confrères
bordelais, et plus spécialement au Président et aux membres de l'IDHBB, que je
voudrais dire l'attachement du Barreau de BORDEAUX, leur Barreau, au prix
Ludovic TRARIEUX, et à l'œuvre qu'ils poursuivent depuis bientôt 20 ans.
Je me réjouis de ce que le
soutien du Barreau de PARIS puisse donner cette année à la remise du prix un
lustre particulier, même si l'Ecole Nationale de la Magistrature reste un très
bel endroit pour accueillir cette cérémonie.
A tous ceux qui sont ici présents, nous les privilégiés qui avons reçu les Droits de l'Homme en héritage ; parce que l'expérience révèle que les régimes totalitaires n'aiment pas être présentés sous leur véritable jour ; et qu'il leur arrive alors parfois de reculer, devant le courage d'une Mehrangiz KAR. »
Secrétaire général de l’IDHAE et de l’Union des
Avocats Européens
Monsieur le Premier
Président de la Cour de Cassation,
Mesdames et Messieurs les
Magistrats,
Messieurs les Bâtonniers,
Mes Chers Confrères,
Mesdames,
Messieurs,
Chère Lauréate,
Lorsque le Président de notre Institut, Maître
Bertrand FAVREAU, m’a demandé de tenir
un discours à l’occasion de la remise du prix Ludovic TRARIEUX de cette
année, la première question que je me suis posée, au risque de vous étonner,
est celle de la langue dans laquelle je tiendrai ce discours.
En effet la remise de ce
prix, qui est un prix international, se fait en France, devant un public somme
toute largement composé de Consoeurs et de Confrères français.
D’un autre côté, et dans la
mesure où il s’agit d’un prix international, je me suis demandé s’il ne serait
pas opportun de tenir l’intégralité du discours dans la lingua franca des temps
modernes, c'est-à-dire l’anglais.
Etant incapable de
prononcer un discours dans la langue de notre lauréate, le farsi, et n’étant
pas sûr que celle-ci comprenne le français, j’ai opté pour un discours, que je
vous assure très bref, à la fois dans la langue de Shakespeare et de celle de
Voltaire.
The first part of my speach will be in English. The second part will be
in French.
When this year’s jury for the Ludovic Trarieux price met last June at
the Paris Bar, the choice of who would be this year’s winner seemed very
difficult at first sight.
Almost all of the candidates who were proposed by national and
international human rights organizations deserved a recognition for their work
in the field of human rights.
Almost all of our colleagues who were candidates to the price have to
work and live under very difficult circumstances, trying to hold high the
principles of liberty of expression, freedom and defence right where the
regimes in power often try to eliminate or at least to reduce.
All those candidates , among who Zhou Litai (China),Yawovi Agboyibo
(Togo), Suon Visal (Cambodgia), Sevil Dalkikic (Turkey) deserve that we honour
again their commitment or obligation as lawyers and as humans for human rights
and all of them deserve our support and recognition.
Among all those candidates we had to choose one laureate for this year.
The choice wasn’t easy but we made it.…
I would like, only in the first part of my speech, to point out a few
aspects which I will shortly mention : The condition of women, the freedom of
expression, the presumptions of innocence of prisoners , the role of the church
in the State and society.
I have chosen to develop shortly 2 of those problems, mainly the
condition of women and the role of the Church in the State and society.
In the second part of my speech, I will try to show what could be the
role of an European Human Rights policy.
L’article 23 de la Charte
des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne (Conseil Européen tenu à Nice en
date du 7 décembre 2000) garantit l’égalité de l’homme et de la femme.
Dans nos Etats existent
souvent des Ministères de la Condition Féminine ou des Ministères de la Femme.
Des discriminations
« positives », c’est à dire « à rebours », sont en train
d’être introduites en Europe à l’instar des Etats-Unis, visant à garantir la
présence des femmes notamment dans les partis politiques.
La tentation est dès lors
forte de se porter en donneur de leçons sur des systèmes comme celui de l’Iran
où les droits de la femme, qui sont à comprendre comme les droits les plus
élémentaires de la personne humaine, ne sont pas ou du moins pas toujours
respectés.
Il est vrai que toute
comparaison dans notre Histoire récente fait défaut, et cela dépasse notre
imagination d’entendre ou de lire que l’on refuse à une prisonnière de boire de
l’eau potable seulement parce que c’est une femme.
De telles exactions, que
l’on ne saurait tolérer si elles étaient pratiquées à l’encontre d’un animal,
ni à plus forte raison à l’encontre d’un être humain, ne sont justifiables par
aucune religion ni par aucune morale mais relèvent d’un pur sadisme.
Je ne pense vraiment pas qu’il faille être féministe pour
critiquer de tels traitements inhumains.
Il relève dès lors du mérite de dénoncer, d’attaquer et d’informer de
l’existence de telles pratiques qui frôlent la torture, et de lutter pour une
amélioration des conditions des femmes en Iran.
Inutile de répéter que si en Europe la condition de la
femme n’a pas frôlé ce que vous décrivez, « l’égalité des sexes » qui
est en train de se parfaire est propre à la fin du 20ème siècle.
Il suffit de relire
certains passages de la pièce critique intitulée « La maison de
Bernarda » de l’auteur espagnol Federico Garcia Lorca , datant de 1956,
pour apprendre quelle était la condition de la femme en Espagne au milieu du 20ème
siècle.
Ainsi, le critique Garcia
Lorca fait-il dire à son personnage principal, Bernarda ,mère de bonne famille
qui donne à ses filles en âge de se marier le conseil suivant, résume très bien
cette situation :
« Hilo y aguja para la hembra, látigo y mula para il
varón »…
Ce qui signifie en
français : « le fil et l’aiguille pour la
femme, le fouet et la mule pour l’homme.
C’est la règle dans les bonnes familles ».
Nous sommes dès lors à
cette époque encore très loin des acquis de l’arrêt DEFRESNE c/SABENA, de la
jurisprudence et des textes légaux européens actuels (Charte Européenne des
Droits de l’Homme du 7 décembre 2000).
Une autre critique formulée
par notre lauréate concerne le rôle de l’Eglise et des instances religieuses.
B. la
dénonciation du rôle de l’église dans la société et dans l’état :
A ce sujet, les mots
suivants de notre lauréate à propos de la religion sont particulièrement
révélateurs :
« En Iran le statut de la femme
n’est pas une question de droit ou de loi, mais une question de religion, qui
fait partie intégrante de la culture en Iran et par conséquent, du système
juridique de la République Islamique d’Iran »
Ces mots prononcés à propos
de la condition de la femme, et qui pourraient également être prononcés à
propos des autres méconnaissances des libertés individuelles telles que la
liberté d’expression et le droit à la présomption d’innocence, résument à eux
seuls une bonne partie des exactions contre les Droits de l’Homme, lesquelles
nous condamnons.
Elle rappelle étrangement
une citation de John Neville Figgis dans « Etudes sur la pensée politique
de Gerson à Grotius, 1414-1625 » Cambridge 1907, que j’ai trouvé dans un
ouvrage de Louis Dumont « Essais sur l’individualisme : une
perspective anthropologique sur l’idéologie moderne » (Ed. Seuil, Essais
Points, p 90) :
« Au Moyen-âge l’Eglise n’était
pas un Etat, c’était l’Etat, ou plutôt l’autorité civile (car une société
séparée n’était pas reconnue) était simplement le département de police de
l’Eglise (…). »
La conception prévalant
dans le système moyen-âgeux décrit par Figgis
et la conception iranienne décrite par notre lauréate nous paraissent
voisines.
En fait la situation en
Iran paraît assez contradictoire pour un occidental, étant donné que s’y
trouvent « toutes sortes d’interdits mais aussi une volonté de réformer
le pays » (à la Une : Madame Lydie POLFER in « Bulletin
d’Information et de Documentation N° 2/2002 avril-mai-juin 2002 pages 62 et
suivantes).
Madame le Ministre
luxembourgeois des Affaires Etrangères (Mme Lydie POLFER) a, dans un entretien
accordé à la suite de son voyage en Iran, tenu les propos suivants :
« D’un côté il y a la
« démocratie religieuse » : le pouvoir religieux ancré dans les
institutions du pays. Il peut prendre des mesures juridiques si des lois votées
par le Parlement ne sont pas en accord avec l’Islam ».
« De l’autre côté, une
société critique face à ce système, qui manifeste clairement ses positions. La
volonté de réformer le pays est présente chez une grande partie de la
population ».
« Les dernières
élections en auraient témoigné, le Président KHATAMI se posant en faveur de
réformes » (ibid p. 62).
Quelles conclusions pourrions-nous en tirer ?
Certainement que la
situation en Iran est plus complexe qu’il n’apparaît à première vue.
Ne serait-il pas une erreur
de se détourner de ce pays en isolant les forces progressistes en Iran,
risquant de radicaliser le grand pays dans une région où l’équilibre
géopolitique est extrêmement fragile…
C’est une question que l’on
se posera dans la seconde partie de cet exposé.
Ces exemples sont certes
largement insuffisants pour résumer l’œuvre de notre lauréate. Ils doivent
néanmoins nous faire réfléchir sur ce que peut être le rôle d’une diplomatie
européenne des Droits de l’Homme.
II. une
diplomatie européenne des droits de l’homme au secours des droits de l’homme en
Iran ET DANS LE MONDE :
Cela signifie-t-il pour
autant que l’Union Européenne doive, dans sa politique étrangère, qui est
encore toute à faire, ne plus traiter avec l’Iran et laisser l’Iran à sa
conception que nous qualifierons d’obscurantiste ?
Doit-elle (ou les pays qui
la composent) en revanche adopter une position de « business first »
et sacrifier les Droits de l’Homme sur l’autel d’un affairisme mal
compris ?
Je pense que les deux
positions seraient une gifle dans le visage de tous nos Confrères ou de notre
Consoeur et plus largement toutes les forces modérées ou progressistes qui
luttent pour une « ouverture » politique et juridique en Iran.
Ce serait isoler un
exécutif et législatif sous l’impulsion du Président KHATAMI, qui essaie
d’améliorer les choses contre un pouvoir judiciaire et religieux encore entre
les mains des « mollahs » et donc des religieux qui, d’une façon peu
démocratique, voire totalitaire, bloquent toute réforme en vue d’une
libéralisation (cf supra I B au sujet de la démocratie religieuse).
Il faut dès lors intervenir
par la voie diplomatique afin de soutenir les opposants et les forces
progressistes en Iran.
Dans ce but, Madame Lydie
POLFER, Ministre luxembourgeois des Affaires Etrangères, a effectué un voyage
en Iran, dont j’ai parlé ci-dessus et ce, sur invitation expresse de son
homologue iranien Kamal Kharrazi.
Cette visite du Ministre
luxembourgeois s’inscrit dans la ligne de ses homologues européens. Ainsi, sans
les jours suivants la visite de Madame POLFER, était attendu en Iran le
Ministre belge des Affaires Etrangères Louis MICHEL (ibid à la Une p. 63).
Monsieur le Premier
Ministre luxembourgeois Jean-Claude JUNCKER n’hésite pas, quant à lui, à se
rendre en Chine. Mais au cours des négociations bilatérales entre la Chine et
le Luxembourg à parler tant de la défense des Droits de l’Homme que des
prochains contrats Arcelor ou SES-ASTRA.
Ces démarches qui ont, à
tort, été critiquées alors que ce n’est que par le dialogue que l’on peut faire
progresser les Droits de l’Homme et tenter de convaincre qu’il faut « rendre
à César ce qui est à César » et à Dieu ce qui est à Dieu…
La question que vous nous
poserez ? Que peut faire un petit pays comme le Luxembourg face à des
géants comme la Chine et l’Iran ?
Seul, peut-être pas grand
chose, pas plus en tout cas que le Danemark, l’Espagne ou l’Autriche.
Pas grand chose,… mais il
en est autrement si les personnes parlent au nom de l’Union Européenne. Il est
humain d’écouter plutôt une personne qui représente 300 millions de personnes
(ou devrais-je dire de consommateurs), qu’une personne qui en représente
500.000.
« Nous (Luxembourg) n’avons pas
l’intention de conduire une politique étrangère indépendante de celle de
l’Union Européenne. Or, nous avons un rôle différent à jouer . Quand nous
cherchons le dialogue, ce n’est pas pour des raisons économiques » (ibid à
la Une p. 63).
Ces mots réjouissent et
attristent à la fois ;
L’Union Européenne qui
porte tant d’attachement aux Droits de l’Homme à l’intérieur de ses frontières
(notamment quand il s’agit d’un élargissement) devrait être elle-même porteuse
du message des Droits de l’Homme et parler d’une seule voix au lieu de se
soucier des relations économiques en laissant le soin aux diplomaties des pays
membres de « parler » de Droits de l’Homme.
Il serait dès lors peut-être
judicieux de renforcer encore les efforts en vue d’une future diplomatie de
l’Union Européenne, laquelle est encore tout à créer afin de porter le message
des Droits de l’Homme.
Encore un sujet pour la
Convention Européenne devant donner naissance à une Constitution pour notre
Union Européenne…
Je vous remercie de votre
attention.
Adresse de
M. le bâtonnier
Georges FLECHEUX,
Président de l’Institut des Droits de l’Homme du Barreau
de Paris.
Madame,
L’Institut de Formation en droits de l’Homme du
Barreau de Paris, fondé par le
Bâtonnier Louis Edmond PETTITI, est très heureux et très honoré de vous
recevoir ici à Paris, au milieu de notre Barreau, pour la remise du prix qui
récompense la lutte que vous avez engagée pour défendre les droits de l’Homme
dans ce pays de grande culture et de haute civilisation, l'Iran.
Vous y avez pourtant
subi des souffrances comme tous les persécutés. Mais vous n'avez pas courbé l’échine.
Vous supportez l'exil et voire mari la prisons
Nous ne pouvons que nous incliner devant une vertu trop
rare - le courage.
Discours de
Monsieur le Bâtonnier
Bertrand FAVREAU
Président de l'IDHBB et de l'IDHAE.
« Personne ne comprendrait
que je ne m'adresse pas d'abord à vous, Madame, qui êtes venue de loin,
jusqu'à nous, pour vous dire quelle est notre émotion et notre fierté de vous
accueillir ici, vous qui êtes ce soir l'unique centre de notre attention, à
l'instant où l'on va vous remettre ce prix.
Plusieurs orateurs qui m'ont précédé ont tenu à rappeler que ce
prix était né à Bordeaux et cela ne
saurait vous étonner, vous,
Madame qui appartenez dans votre pays à la République des lettres, que ce prix
vienne de la patrie de l'auteur des " Lettres Persanes " .
Notre présence en ce lieu ce soir est cependant, aussi,
l'occasion de rappeler, dans cette enceinte qui porte son nom la mémoire du
Bâtonnier Louis Edmond PETTITI, qui fût à plus d'un titre un fidèle de ce prix depuis sa création
Il y a 17 ans il a été membre du premier jury, aux côtés
notamment de Jacques CHABAN DELMAS, Adolphe TOUFFAIT ou Yves JOUFFA, pour ne
citer que ceux qui nous ont quittés. L'un de ces derniers actes publics a
consisté à venir remettre ce même prix en octobre 1998. Il nous a montré la
voie.
Une telle cérémonie ne devrait pas égrener des souffrances encore
proches ou de si récents tourments.
Pourtant, ceux qui sont
présents ici, s'ils ne le savent déjà ont le droit de connaître ce que fut
votre combat et les violences que vous avez endurées afin de conserver un sens à des mots dont on fait parfois dans
nos pays un usage facile ou galvaudé : droit, justice, liberté.....
« Au nom du maître de l'âme
et de l'intelligence... » Ainsi
commence le prélude du Livre des Rois, l'épopée nationale persane, le
Chah-Nahmé, de Ferdowsi, écrit il y a mille ans.
Ferdowsi disait que « l'intelligence est l'œil de
l'âme ». Et c'est ce regard qu'a choisi votre plume dés 1968, pour vous démarquer de vos
collègues féminines qui subissaient passivement la ségrégation - sur laquelle
tout a déjà été dit - ce soir.
Ferdowsi, c'est aussi le titre du premier journal dans lequel
vous avez écrit très jeune plus de 100 articles.
En 1992, lorsque a été créé ZANAN (dont le titre est à lui seul
un programme : Les femmes !), vous êtes devenue dés le 4ème numéro l'une
des rédactrices et vous y avez
contribué régulièrement évoquant les problèmes sociaux légaux, économiques
et politiques des femmes ou encore la
violence qu'elles subissent, poursuivant chronique après chronique l'analyse du
système juridique en matière du droit des femmes jusqu'en 1998.
Parce que " avez vous dit : " La question du droit des
femmes est indissolublement liée aux droits de l'être humain ".
En, l'an 2000 vous aviez déjà écrit plus de 800 articles, tous
les journaux réformistes vous ont voulue
comme chroniqueuse, toutes les grandes universités américaines vous ont
appelée comme conférencière de YALE à BERKELEY.
Et lorsque vous avez arrêté votre collaboration aux journaux,
votre plume n'est pas restée passive puisque depuis vous avez publié presque un ouvrage par an aux éditions Roushangaran..
De l'étude de l'image des femmes dans l'Iran préhistorique et
historique ( 11 ou douze volumes parus...) à l'élimination des discriminations
sexuelles au regard de la convention des nations unies sur l'élimination de
toutes formes de discrimination envers les femmes, jusqu'au récent " Etude
sur la violence contre les femmes en Iran «,
vous avez embrassé, scruté, disséqué
toutes les facettes de la condition féminine iranienne à travers les
âges.
Mais Ferdowsi disait aussi que " L'âme du poète trouve le bonheur quand le verbe s'unit à
l'intelligence." Et vous vous deviez de marier votre intelligence au verbe
en devenant avocate.
C'était en 1979.
Mais 1979 l'année de la révolution se prêtait mal à l'émergence
du droit des femmes.... C'est l'année de l'éviction des femmes des juridictions
qui a rendu plus difficile votre tâche car avez-vous dit : " les tribunaux civils spéciaux étaient
prédominés par les juges qui n'appréciaient pas la présence des Avocats et
encore moins des Avocates... "
L'avantage d'une double carrière fait qu'il restait encore
la plume puisqu'il fallait d'abord
amener les femmes à prendre conscience de ce que le combat pour une loi
nouvelle pouvait leur offrir la possibilité d'améliorer leur condition.
Et vous avez fait cela tout au long de trente-trois années comme
écrivain et journaliste, et pendant vingt ans comme avocat.
Les titres de vos articles
évocateurs "Vous ne ressentez pas encore la nécessité de créer des
foyers ? ", "Il faut bouleverser les droits civiques iraniens",
" Réconcilions-nous avec les coutumes ! » Puis, en septembre 1997
: "Il ne faut plus
attendre !"
1997 - il est vrai - était apparu comme une grande espérance :
Le président Khatami avait parlé d'état de droit, de société civile, de liberté
d'opinion. L'Etat allait se préoccuper des citoyens et la société iranienne se
libéraliser. Et les femmes conscientes
de leurs droits avaient joué un rôle majeur dans son élection. La
réconciliation de l'intelligence et de l'âme, en quelque sorte.
Mais un régime - en particulier un régime théocratique - peut-il
se réformer de lui -même ? Tocqueville le disait : " Le moment le plus
dangereux pour un mauvais gouvernement est d'ordinaire celui où il commence à
se réformer ".
L'illusion fut de courte durée. Car le Président -
l'ignorait-il vraiment ? - n'avait pas le pouvoir. Le pouvoir était duel mais
il était encore et toujours un et ailleurs. Il relevait du Guide suprême de la
révolution. Le mouvement réformiste a un cran d'arrêt : le Velayet-e-faquih. Dualité
d'apparence, dédoublement schizophrène
où les suffrages ne s'expriment que pour élire ceux qui n'exercent pas la
réalité du pouvoir selon une constitution ou près d'un tiers des 177 articles
ne se réfèrent qu'à la religion.
Et la répression n'a pas manqué de s'abattre sur les écrivains,
les intellectuels et les avocats. En 1998 vous êtes devenue la bête noire des
conservateurs. Zanan est accusé de " préparer un complot ", de "faire le lit de l'invasion
culturelle occidentale "
Un confident du guide suprême, l’Ayatollah Khazal’i a révélé à
une agence de presse que ceux qui comme vous sont considérés comme des
dissidents, des digarandisham ("ceux qui pensent autrement")
ne devaient connaître qu'un seul sort : " ils insultent les lois islamiques,
ils participent dans les conférences pour dire n'importe quoi, tuez les partout
où vous les trouverez, c'est la tradition divine immuable !".
Dans une discussion à
l'assemblée le 12 avril 1999, sur les droits des femmes un membre conservateur
s'en est pris violemment à ces femmes
avocats qui avaient développé toujours davantage le combat pour le droit des
femmes depuis 10 ans et annonçait : "Nous allons maintenant nous occuper
de ces gens nous-mêmes".
Bien sûr les Avocates n'étaient pas nommées, mais nous, en
Occident, nous connaissions déjà leur nom : Il s'agissait de vous-même et de
Shirin Ebadi.
Au demeurant la menace ne tarda pas à être mise à exécution.
L'an deux mille. En ce millénaire finissant et à la veille de
l'année du dialogue des civilisations, - qui voulait répondre au postulat
de Samuel Huntington (mais en faisant la même erreur : confondre
religion et civilisation) - le
président Khatami, dans un discours remarqué à l'Institut européen de Florence
a rappelé que l'Iran était une terre de dialogue. Mais il a précisé les limites
de ce dialogue : chacun doit "
respecter l'intégrité idéologique et culturelle de l'autre ", personne ne doit chercher à convaincre
personne. Dialogue, parce que,
disait-il, l'Iran se situe au carrefour
des civilisations de l'Orient et de l'Occident, " tout comme l'homme, à la
croisée où convergent le levant de l'âme et le ponant de la raison ". Or,
comme l'enseignait Jean-Jacques
Rousseau " la conscience est la voix de l'âme ". Et c'est cette voix
là que l'on a voulu faire taire.
Le ponant de la Raison. On ne connaît que trop la suite : en avril 2000, vous avez été invitée à
participer à une conférence à
l'Institut Heinrich Böll à Berlin.
Il s'agissait d'une conférence académique. Le thème en était
"l'Iran après les élections" (il s'agissait des élections
législatives de février 2000). Tous les participants pensaient sincèrement
qu'ils avaient l'assentiment d'in gouvernement qui se proclamait réformiste.
Mais, qui pouvait prévoir ou maîtriser ce que pouvait inspirer un
tel débat à des réfugiés politiques qui ont déjà payé de l'exil ou de leur
liberté, voire du sang de leur famille, leur opposition au régime théocratique.
Ils l'ont manifesté, il
est vrai.
Le reportage sur la conférence a été réalisé par la télévision
iranienne et diffusée en Iran.
« Celui à qui tu as accordé la raison, que lui as-tu
refusé ? » dit un vieux précepte du Monajat-Namé. Peu après
votre retour à Téhéran, le 29 avril 2000, vous êtes avec 16 autres participants
à cette manifestation arrêtée, traduite devant une Cour révolutionnaire, puis
mise au secret à la prison d'Evin.
Atteinte à la sûreté intérieure de l'état, propagande contre la
religion islamique pour avoir accusé la république d'avoir violé les droits des
femmes, refus d'observer le hijab pour avoir paru tête nue dans un colloque.
Qu'aviez-vous dit ?
Vous aviez affirmé que "le système islamique violait depuis
21 ans les droits fondamentaux et les droits de la nation iranienne»... qu'il
était "nécessaire d'examiner l'action de l'état non seulement pendant les
dix dernières années, mais sur la période de 21 ans qui précèdent".
Vous avez ajouté :
"la structure juridique de l'Iran est par bien des aspects
complètement opposée aux droits des femmes, celles ci n’ont aucun droit dans le
domaine de la famille que ce soit en qualité d'épouse ou de mère », ...
« l'Islam prévoit la lapidation, des châtiments très lourds, l'Islam ne
permet pas aux femmes d'accéder à des fonctions importantes » etc...
". Cela, c'est ce que vous n'aviez
cessé d'écrire et de plaider depuis des années.
A vrai dire ce n'était pas ces propos, que l'on poursuivait,
puisque c'est sur des articles parus trente ans plus tôt que l'on vous a aussi
interrogée et que même les traducteurs ou les assistants passifs du colloque
universitaire de Berlin ont été arrêtés ou
inquiétés.
Le quartier des femmes à la prison d'Evin, vous l'avez décrit
heure par heure : le tchador
réglementaire de l'administration
pénitentiaire, constellé, on ne sait pourquoi des balances de la justice, les
hauts murs, sans lumière, la lampe blafarde, le sol des cellules avec en guise
de tapis des tissus imprégnés des traces
du vomi séché des précédentes détenues.
Avec un régime discriminatoire pour les femmes qui n'ont pas droit
à l'eau potable, mais, sans en être
informée à une eau qui charrie des bactéries et des microbes. " Même en
prison nous avions à payer pour notre sexe que nous n'avions ni voulu ni
déterminé".
Vingt minutes de promenades mais quand le décident les gardiennes
: elles sont inutiles car dans la courette envahie par les bassins ou les
détenues lavent leur linge, il n'y a pas la place de faire un seul pas.
Quatre semaines de solitude, puis trois autres avec Shahla
Lahiji. Là vous avez découvert la
maladie. Mais aussi l'espoir.
Celui des regards complices, les baisers secourables, furtivement
envoyés, au passage par les co-détenues de droit commun, droguées ou
prostituées, qui reconnaissaient en
vous celle qui luttait pour d’autres femmes et contre l’inhumaine condition qui
leur était faite, ou encore l'effort
administratif de quelques surveillantes pour essayer de rendre moins dure
l'incarcération dans le cadre du règlement, ce qui a achevé de vous convaincre
que toutes, prisonnières et
geôlières, n'étaient, après tout, que
les victimes d'un même système.
Il y avait au milieu de tout cela un petit espace où les détenues
avaient choisi de planter des fleurs pour recréer un jardin auquel elle n'avait pas droit. Le jardin
interdit où poussaient les fleurs de l'espoir, celui que chantait la poésie
iranienne de Khayyam et son « zéphyr de printemps sur le front de la
rose », à Hafiz, le poète de Chiraz : « Jardin, printemps et doux commerce »...
A tel point que vous avez été heureuse qu'il n'y ait pas de glace
dans les prisons pour ne pas vous voir dans cet état d'hébétude auquel on vous
avait contrainte. Pourtant, dépouillée de vos vêtements, de votre
personnalité, plus que jamais vous
êtes-vous retrouvée face à vous-même,
comme le paon du Manasvi, que
Rûmi dicta à ses disciples, il y a plus de 700 ans, ce paon qui préférait s'arracher lui même ses plumes pour retrouver « la liberté et la
vie », car -disait il -
« seul peut être heureux celui qui
possède une beauté intérieure ". Après tout ne s'agissait-il pas aussi
d'une victoire remportée sur l'époque où la prison était le privilège des seuls
hommes qui racontaient fièrement leurs souvenirs de détention " en se lissant la moustache " ?
Vous aviez un avocat, mais vous ne le verrez jamais. Shirin Ebadi
que vous aviez choisie n'aura elle-même jamais accès au dossier.
Puis, pire, elle devra renoncer
à vous défendre étant à son tour inquiétée pour avoir exercé sa fonction de
défenseur. Elle y perdra bientôt, pour cinq ans, le droit d'exercer sa profession,
C'est en Iran chose courante, il est défendu de défendre. En août 2002, on pouvait ainsi dénombrer le septième
avocat en deux ans condamné à la prison pour avoir simplement voulu accomplir
sa mission.
" Je désire ce qui
est juste " est-il gravé sur le
tombeau de Darius près de Persépolis. Mais il n'y a pas aujourd'hui de justice
indépendante et donc pas de justice en Iran. Selon la constitution de 1979 -
après sa révision de 1989- le pouvoir judiciaire est présidé par une seule
personne, nommée pour 5 ans par le guide suprême.
Et c'est ce chef du pouvoir judiciaire qui établie les
organisations légales juridictionnelles, prépare les projets de loi et se
charge du recrutement des Juges et exerce même une ingérence dans les élections
au Conseil de l’Ordre auquel il a refusé de vous accepter pour candidate.
Ainsi, l’illusion réformatrice vient toujours se briser sur le pouvoir
judiciaire.
Le président de la République multiplie ses annonces de réformes
mais ce sont les réformistes que poursuit une justice qui n’est pas la
sienne - et qui a pris le relais des diverses polices. Et aucun pouvoir n’y
peut rien. Le 24 janvier 2001, la
majorité des députés du Majlis a adressé à l'ayatollah CHAROUDI, chef du
pouvoir judiciaire, une motion de protestation contre le harcèlement judiciaire
dont sont victimes les écrivains, les journalistes, les avocats et les éditeurs
proches des réformateurs.
Ils n'ont pas reçu de réponse.
Ou plutôt ils en ont reçue une : la justice a fait arrêter un des
signataires, député-réformateur, sous l'accusation d'injures à la justice.
De
1997 à 2001 le pouvoir judiciaire s'est ainsi acharné sur les personnalités
politico-religieuse, les intellectuels et les avocats, les étudiants, et les
membres du mouvement de libération de l'Iran. Une fois encore, le Président
Khatami a exprimé « ses regrets ». Sa foi dans le réformisme est une
foi qui n’agit point..
On connaît, là encore, la suite.
Seule une formidable mobilisation de toutes les grandes ONG
aidera à votre libération le 21 juin moyennant une caution de 60.000 dollars.
Mais après la liberté sous caution, ce fut le procès.
Il commença le 3 novembre 2000.
Le compte rendu des 10 premières audiences nous est connu, il a
été publié dans Die Zeit, mais il ne vous concerne pas.
Personne n’a eu le droit d’assister à votre procès à huit clos. Le 13 janvier 2000,
onze des 17 inculpés seront condamnés à
des peines de 4 à 10 ans de prison.
Peu importe après tout si vous êtes sortie de prison 53 jours
après y être rentrée. Peu importe aussi si votre peine en appel a été ramenée à 6 mois - ce qui n'a pas
davantage de signification pour nous - même si le reliquat est convertible en
une amende démesurée et injustifiée.
Qu'importe aussi qu’après une nouvelle mobilisation, tout aussi unanime,
vous ayez reçu l'autorisation d'aller aux Etats-Unis pour vous soigner à
l'automne 2001, car sans doute est-ce là le piège, et le piège le plus perfide,
puisqu’un autre châtiment vous y attendait.
Vous ne serez pas depuis plus de 2 mois sur le sol des Etats Unis
qu’hospitalisée, vous apprendrez un
jour de novembre 2001 que votre mari, âgé de 71 ans, a disparu.
Disparu, c'est à dire que Siamak POURZAND, lui, le directeur du Centre Culturel de Téhéran, qui
accueillait les artistes et écrivains de tous bords dans un véritable dialogue
foisonnant des cultures, car Siamak Pourzand est un homme libre, a été enlevé
le 24 novembre par une police parallèle, à 9 heures, alors qu'il se trouvait chez sa sœur âgée de 80 ans.
Pendant de nombreux mois un silence complet a été fait sur son
sort. Pendant huit mois vous ne saurez rien.
"Dites-moi où est mon père" a supplié Azadeh POURZAND,
qui n'a que 17 ans et qui connaissait une nouvelle épreuve après avoir vécu
deux ans plus tôt l'incarcération de sa mère.
On a retrouvé depuis la trace de Siamak POURZAND : le 7 mai 2002, des entrefilets de
presse ont annoncé qu'il avait été "
jugé " et condamné à 8 ans
de prison.
Pour l'Iran ce n'était qu'un journaliste de plus qui était
condamné. On avait même connu pire. Depuis 1998, on a connu l'assassinat en
série des plus grandes figures intellectuelles du pays. 30 journaux
indépendants ont été interdits sans procédure. Et, l'Iran d'aujourd'hui a le
triste privilège d'être la plus grande prison pour journalistes du monde.
: 20 journalistes sont derrière les
barreaux, soit plus du quart de ceux qui sont emprisonnés dans le monde.
Mais pour vous la signification était autre : rançon d'une
apparente indulgence donnée en gage à l'opinion publique internationale, dés
votre liberté avait pour corollaire l'obligation d'être à jamais silencieuse.
Et pour garantie, un otage a été pris pour que vous ne parliez
plus.
Ce sont les derniers mots que vous avez entendus de lui, furtifs,
volés à ses bourreaux, haletants et hoquetant,
sur un répondeur téléphonique "Surtout ne parlez pas".
Se taire c'est la seule chose que l'on ne peut demander à un
avocat. Les préceptes de la sagesse iranienne nous l'enseignent. A l'époque du
régne de Yazdegued III, il y a treize siècles, sous la dynastie sassanide, a été écrit dans le Dâdistân-i-Mênôg-i-Xrad
ce dialogue: Le sage y demandait à l'Esprit de sagesse : " Vivre dans la crainte et le mensonge est-il
pire que la mort ? " Et l'esprit de sagesse a répondu : " Oui, vivre dans la crainte et le
mensonge est pire que la mort "
Pour cela vous n'avez pas accepté le silence : vous avez choisi d'en appeler à la
conscience universelle. Et devant tous les journalistes assemblés vous vous
êtes écriée :
" Pour me faire taire, ils ont piégé mon mari, le père de
mes enfants. Mais ils ont fait une erreur. La lutte pour la promotion de la
situation de femmes à une condition
humaine qu'ils ignorent plus que jamais, va continuer. Les femmes ne
toléreront plus le silence et l'oppression. "
C'était le 25 juin 2002. Quelques jours plus tard, une autre
juridiction - que l'on ose appeler d'appel -
s'est chargée d'examiner le cas de Siamak : sa peine a été portée de
huit ans à 11 ans d'emprisonnement.
Siamak POURZAND est aujourd'hui prisonnier de conscience autant
qu'otage. Du matin au soir, c'est la raison de l'homme que l'on tourmente et
son âme que l'on torture.
Affaibli physiquement, maintenu au secret dans un lieu inconnu,
violé dans sa conscience, obligé de reconnaître publiquement ses fautes et de
porter des accusations contre les siens pour avoir le droit de rencontrer sa
sœur, obligé de plaider coupable pour éviter la sanction suprême.
Et, aujourd'hui, tout ce que notre pays compte de pouvoirs publics,
d'autorité morale de voix
autorisées devrait prendre la tête d'une campagne consistant à lancer aux
autorités iraniennes : "Libérez
Siamak POURZAND !"
Dans un Iran qui compte aujourd'hui 60 millions d'habitants dont
60 % de jeune, " les femmes sont
aujourd'hui devenues une force puissante et quiconque régnera sur le pays
devra tenir compte de leurs
revendications. " Chaque
assassinat, chaque arrestation ne scande qu'une nouvelle défaite. Le Livre des
Rois ne le disait-il pas, au nom du
maître de l'âme ? « Quiconque
n'obéit pas à la raison se déchirera lui-même par ses actions ".
Entezâr, en persan, c'est
l'attente. Celle du lendemain.
Entezâr, c'est aussi l'archétype de l'attente, celle qui rime
avec espérance : l'attente d'un avenir meilleur. Celui qu'exhalaient les fleurs
du jardin interdit d'Evin. Que crépuscule de l'obscurantisme soit l'aurore de la raison. Les idées que vous avez
contribué à semer habitent aujourd'hui le cœur et la raison des femmes d'Iran.
Et l'on se prend une nouvelle fois à lire Usbek : " Que nous
servent les jeunes des imâms et les cilices des mollahs ? La main de Dieu s'est
deux fois appesantie sur les enfants de la loi : le soleil s'obscurcit et
semble n'éclairer plus que leurs défaites ".
Dans quelques instants, Madame, le plus haut magistrat de France,
je veux dire le Juge qui est à la tête de la plus haute juridiction de ce
pays, va vous remettre ce prix de
douleurs et de larmes.
C'est un Juge suprême qui va vous remettre ce prix, à vous, la
condamnée - car vous l'avez été - à
vous, la femme du condamné plus
lourdement encore, qui doit désormais attendre 10 ans encore dans sa prison.
Voyez-y un symbole.
Parce qu'il n'y a pas d'état de droit là où n'existe ni liberté
de conscience, ni liberté d'opinion, où
il n'y a pas d'avocats libres et d'ordre des avocats indépendants.
Parce qu'il n'y a pas de condamnation qui ne soit prononcée par
un Juge indépendant et impartial, après que l'accusé ait bénéficié de la
présomption d'innocence, et disposait d'un procès public au cours duquel ont pu
être librement débattues les preuves alléguées contre lui..
Qu'ainsi toute condamnation prononcée autrement n'est qu'une voie
de fait judiciaire et pour votre mari, peut être, un crime judiciaire.
Que de telles condamnations sont
nulles et non avenues pour le reste des hommes comme toute décision rendue au
mépris de la conscience universelle.
Il est un pays où les condamnées sont les plus libres des
femmes : Celui où une femme peut crier,
comme plus de trois cents ans plus tôt,
Zélis écrivait à Usbek : "
Dans la prison où tu me retiens, je suis plus libre que toi. "
C'est pourquoi nous vous
remercions de vous avoir montré, à nous qui ne risquons rien pour nos écrits et
nos discours, nous, qui sommes peu prompts à risquer notre confort pour
défendre nos propres libertés, que l'on peut brandir du fond d'un cachot sans
lumière et sans eau, un
fanal d'espoir, quand les autres, soumis, ont renoncé.
La force de votre raison est un grand exemple qui nous permet
aujourd'hui de préserver un peu de
notre âme.
C'est pourquoi nous sommes fiers de vous remettre ce Prix. »
Discours de
Monsieur le Premier Président
Guy CANIVET
Premier Président de la Cour de Cassation.
« Je suis
tout à la fois honoré et é d'être ce soir, dans ce lieu symbolique liberté
qu'est la Maison des Avocats, modeste instrument de la remise du Prix
international des Droits de l’Homme Ludovic Trarieux.
Honoré d'abord,
Madame, de vous rencontrer et de m'adresser à vous, honoré prendre la parole
devant l'assemblée prestigieuse réunie pour vous rend hommage, honoré de
m'exprimer après ceux qui sont à l'origine de ce prix.
Le prix
international des droits d l'homme Ludovic Trarieux, créé à l'initiative de
l'Institut des droits de l'homme du Barreau de Bordeaux, à laquelle s'est
ensuite associée l'Union des avocats européens, est décerné à un "avocat sans distinction
de nationalité ou de barreau qui aura
illustré par son œuvre, son activité
ou ses souffrances, la défense de droits
de l’Homme, des droits de 1 défense,
la suprématie du droit, la lutte contre
les racismes et l'intolérance sou toutes
ses formes".
Il rappelle le
message de Ludovic Trarieux, avocat au Barreau de Bordeaux puis à celui de
Paris, Sénateur, Ministre d la justice en 1895, le fondateur et le premier des
présidents de la Ligue des Droits de l'Homme et du Citoyen ; celui qui "refusant toute gloire personnelle, a
délibérément choisi de muer l’engagement
individuel en faveur de Dreyfus en un
combat collectif".
C'est pour moi,
je le dis très sincère ment, un grand privilège de remettre une telle distinction.
Il y a quelques
jours, dans ce même amphithéâtre, lors du colloque d l'Association française
des femmes juristes, était rappelée la situation inacceptable des femmes dans
certaines parties du monde ; le sort de toutes celles qui ne peuvent voter,
auxquelles le droit à l'éducation est dénié, refusés le droit aux soins et le
droit au travail, de celles auxquelles des traitements insupportables et
indignes sont infligés, de celles qui sont humiliées, atteintes dans leur
chair.
Dans le confort
de nos vies occidentales, il faut avoir cette réalité à l'esprit, ne pas s'y
résigner, y penser toujours, en souffrir pour en faire un combat permanent.
Nous savons
bien qu'un tel engagement pour les droits de l'homme est plus que jamais
nécessaire, qu'il est d'une grande actualité, nous savons bien qu'il est
urgent. Comme l'a dit le Président de
la République : "En matière de
droits de l'homme, il ne faut jamais
baisser la garde pour la simple
raison que l'on recule dès que l'on
n'avance pas".
Dans ce combat,
le droit des femmes est encore l'un des grands engagements du XXI"'
siècle.
Et, depuis la
nuit des temps, il est le même. Le code
d'Hammourabi, il y a environ 3800 ans, commençait par une déclaration
d'intention : "J'ai établi ce code
de lois pour la protection du
faible devant le fort".
C'est dire que
s'il concerne tous les citoyens, le combat contre l'intolérance doit mobiliser
les juristes ; d'abord les juristes, en première ligne, en avant-garde, car
c'est avant tout un engagement pour le droit, un engagement pour le droit à la
dignité, pour le droit à la sécurité, tout simplement pour le droit à la vie.
Cet engagement
fut, Madame, absolument, intensément, dramatiquement le vôtre.
C'est pourquoi
je m'adresse à vous avec admiration, respect et émotion.
Votre vie, vos
actions, vos prises de position, vos publications, vos enseignements, ce que
vous êtes autant que votre œuvre illustrent avec éclat que, dans la lutte pour
l'égalité "on ne naît pas femme, on le devient".
Vos actes, vos écrits, vos déclarations montrent que la condition des
femmes et que leur existence même en tant que telle est encore pour beaucoup
une lutte quotidienne.
Avocate à
Téhéran en 1979, vous avez depuis lors, sans interruption, sans concession,
sans renoncement, milité en faveur de l'émancipation des femmes et, de façon
plus générale, en faveur des minorités.
Votre adversaire est l'obscurantisme qui mène au refus de l'égalité, à
l'intolérance, à l'exclusion et à la persécution.
Militante
active et consciente des risques que vous acceptez, vous affrontez tous les
obstacles, vous les assumez. Ils sont
réels. Réels et physiques.
Ainsi, à votre
retour d'un colloque à Berlin, vous êtes arrêtée et incarcérée, en raison de
vos prises de position.
Détenue durant
deux mois dans les pires conditions, que vous décrirez de manière si intense,
vous êtes libérée grâce à l'action d'organisations non gouvernementales.
Vous avez été
persécutée, persécutée seulement pour avoir émis l'opinion d'une femme
libre. Vous connaissiez sans doute les
risques que vous encourriez mais vous êtes avocate et militante et considérez
que vous n'avez pas le droit de vous taire.
Mais comme "se
vouloir libre, c'est aussi vouloir les autres libres", votre
combat continue.
Sans doute n'imaginiez-vous pas
qu'il vous faudrait aussi vous engager pour défendre votre mari.
A vous, qui, au
péril de votre vie et de votre liberté, agissez pour la reconnaissance des
droits des femmes, à vous qui consacrez votre existence au droit et exprimez
votre soutien à la liberté, à vous dont l'engagement est inlassable, par
l'écrit, par la parole, par l'exemple, par la vie, devait revenir le prix Ludovic Trarieux, du nom de celui dont Clémenceau a écrit qu'il était le
"Soldat du droit".
Votre action
est au cœur de notre époque, notre époque que certains qualifient de "nouveau Moyen-Age", marquée
par tant de violations des droits de l'homme : liberté d'expression violée,
opposants éliminés, justice arbitraire, minorités persécutées, autant de fléaux
contre lesquels vous luttez. L'idée de
l'homme que vous défendez est universelle, universelle comme l'est la
Déclaration des droits de l'homme de 1948.
Ce prix
s'ajoute à de nombreuses reconnaissances publiques de votre action, parmi
lesquelles le "Annual Democracy Award 2002", décerné par le
"National Endowment for Democracy", qui vous a été remis à
Washington, le 9 juillet dernier.
Vous rejoignez
aujourd'hui les prestigieux lauréats du prix Ludovic Trarieux parmi lesquels
Nelson Mandela en 1985.
Vous êtes,
Madame, notre espérance en un monde meilleur. »
Speech by
Mrs
Mehrangiz KAR
In acceptance of the
7thInternational Human Rights Prize "Ludovic-Trarieux" 2002.
Mr. President,
Ladies and Gentlemen,
"It is with great pleasure and distinct privilege that
I accept this year's Ludovic-Trarieux International Human Rights award. I am deeply grateful to the members of the
Human Rights Institute of the Bar of Bordeaux and the European Lawyers Union
who have chosen to bestow this honor on me.
However, I firmly believe that by choosing me as the recipient of this
year's award you have indeed chosen to recognize the indomitable spirit of
those members of Iran's Bar Association who have for years literally imperiled
their own lives and liberties in order to defend the basic principles of human
rights and the rights of the accused to a fair and open trial. They have all been in the forefront of the
long struggle to ensure the faithful application of the basic and
internationally recognized principles of due process of law in their homeland.
It is true that my husband, Siamak Pourzand, and I
have alternatively been victims of trumped up charges, arbitrary arrests,
incommunicado detentions, summary and closed trials, torture, forced televised
confessions, imprisonment and exile in the last three years. But, it is also true that a great many other
trial and human rights lawyers have been subject to similar illegal or extralegal
treatment in the hands of Iranian authorities.
Indeed, the threat of state or state-sanctioned violence constantly
hangs over the head of every single human rights attorney in Iran. My case was only one among many. A prime example is the case of Nasser
Zarafshan, one of the most prominent of Iranian trial attorneys. His most unforgivable crime has been his
decision to represent the surviving families of a number of outspoken political
leaders, writers and Journalists who were victims of a series of brutal
assassinations carried out by agents of the government's security agencies. He, as many other human rights advocate, has
become the victim of his insistence on the primary mission of his profession,
i.e., the search for the truth and the sanctity of due process of law. He is now
been condemned to three years imprisonment and 80 lashes. While he languishes in Iran's notorious
detention centers, even the Grievance Committee of the Islamic Consultative
Assembly (Majles) has branded his trial as illegal, a declaration which will
surely carry little weight with the current arbitrary and thoroughly
politicized Judicial system in Iran.
Regrettably my profound pleasure for being the
recipient of your award is somewhat tempered by my deep regret for not being
able to return to my native land under the continuing threats of serious
reprisals against me. Indeed, My mere acceptance of your award would certainly
add to the long list of accusations already leveled against me in Iran. It was my participation in the Heinrich Boll conference in Berlin
two years ago that led the government to charge me with the crime of
endangering the security of the Islamic Republic. In my paper presented in the conference, I simply had elaborated
on the present legal obstacles that prevent the flourishing of democratic
institutions and disallow the implementation of the basic and
universally-accepted principles of human rights in Iran.
Ladies and Gentlemen:
These flagrant violations of the rights and liberties
of human rights attorneys take place in a country where an independent bar
association was established and' flourished nearly half a century ago. In time it grew to become one of the most
vital of Iran's growing institutions of civil society. Admission to the Bar was the sole
requirement for practice of law and the Grievance Committee of the Bar had the
sole jurisdiction or reviewing complaints lodged against its members for
professional misconduct and for expelling guilty members or temporarily suspending
their right to practice. However, with
the establishment of the Islamic Republic of Iran, the Bar Association and its
members became one of the primary targets of the new regime's active hostility.
Following the arrest and imprisonment of the
Association's board of directors, nearly a hundred attorneys were arbitrarily
denied the night to practice law. The
main objective of these oppressive measures was to belittle and deny the
importance of legal counsel for the accused and eventually allow the
revolutionary and special courts the freedom to disregard procedural safeguards
and deny the accused a fair and open trial.
As a result of the widespread and severe government restrictions on the
Bar and its members, Tran's vibrant Bar Association practically ceased to
exist.
Following the presidential election of 1997, the Bar
was allowed to proceed with the election of its board of directors for the
first time in nearly 20 years. However,
even this limited reprieve was offset by the adoption of new measures to
curtail its legal functions and prerogatives.
The Bar, was deprived of its exclusive privilege to grant the right to
practice law. Furthermore, harassment
and intimidation of its members continued by more flagrant and odious
methods. Trumped up political or
professional charges, threats of suspension, and ultimately arbitrary
detention, trials without due process of law, and imprisonment, all left their
intended chilling effect on many a practicing lawyer. Only those willing to endanger their own life and liberty braved
the dreadful consequences and undertook the responsibility to defend citizens
who were charged by the state with political or press offenses under the rubric
of anti-state activities or actions intended to disturb public order.
Mr. President,
Ladies and Gentlemen:
It is an incontrovertible fact that, particularly
since 1997, Iran's current judicial system has become the bastion of those
intent on violating the basic principles of human rights in Iran and
suppressing the nascent movement towards freedom, democracy and the rule of
law. Thoroughly abdicating its primary
responsibility for guaranteeing due process of law, and safeguarding the civil
rights and political freedoms of the citizenry, the system has in fact become a
subservient tool in the service of the executive branch of the government. It has thus proceeded either to violate the
civil and political rights of the citizens or disregard such violations
perpetrated by bands of pro-regime vigilantes.
Neither the Iranian press nor members of Iranian
Majles have been spared the transgressions of the Judiciary. In recent years, scores of newspapers and
periodicals have been shut down and their editors and writers detained or convicted
to prison terms by revolutionary or special courts and without the presence of
an impartial jury as prescribed by the constitution of the Islamic
Republic. Disregarding the principle of
parliamentary immunity and the principle of separation of powers, a Majles
deputy was recently summoned and imprisonment merely for expressing his views
in a Majles session. A number of other
deputies have been subpoenaed for similar reasons.
Thus, not only the Iranian legislative body, even if
willing, is constitutionally deprived of the power needed to enact enforceable
laws embodying universally accepted principles of human rights. But also, the Iranian press, in a constant
and painful struggle to survive the onslaught of politicized courts on its
freedoms, is rarely allowed to reveal and comment on incessant violations of
these rights. Under such circumstances,
an independent bar association, could play a significant role in the continuing
public struggle for the establishment of the rule of law and defense of human
rights. It is no wonder that in its
determination to prevent the members of the Bar to play such a role, the
Judiciary has used its considerable arbitrary powers to intimidate, silence and
incapacitate them.
My Distinguished Colleagues,
More than any one else, you are cognizant of the historical
fact that without an independent judiciary committed to the rule of law, and
determined to safeguard the rights and freedoms of all citizens, the
establishment of a truly just and democratic society will remain but a dream. A bar association free from the government's
political demands and oppressive threats, is surely a sine qua non for the establishment of such a Judicial order.
As a member
of the Iran's Bar Association whose many members have been deprived of the
freedom to perform their solemn professional duties, I thank you again for your
invaluable attention to our plight.
Please allow me also to assure you that your continued public expression
of concern for the unbearable situation of human rights in Iran and your
vigorous condensation of the Iranian government's unjustified and repressive
acts against members of the Iranian Bar will not have been in vain. I am also certain that your expressions of
sympathy and solidarity will not be forgotten in the annals of the long
struggle of the Iranian people for freedom and democracy.
Je vous
remercie ! "
Mehrangiz KAR
PARIS
October 24,
2002
Historical account of the Prize
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