“L’hommage
des avocats à un avocat”
“The award given by
lawyers to a lawyer”
“El homenaje de abogados
a un abogado”
“Il tributo degli avvocati ad un avvocato”
“Die Hommage von Anwälten
zu einem Anwalt”
“L'omaggio degli avvocati ad un avvocato”
“De award gegeven door
advocaten aan een advocaat"
Depuis/Since/Dal/Seit/Sinds
1984
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PARIS- 28 septembre 2021
Remise du Prix 2020
Barkin et Ebru TIMTIK (à titre posthume)
TURQUIE
HOMMAGE A EBRU & BARKIN TIMTIK
Le XXVème Prix International des Droits de l’Homme
"Ludovic-Trarieux" 2020 a été attribué par le Jury réuni au Palais de l’Athénée, à Genève, le jeudi 24 septembre 2020 conjointement à Barkin Timtik Ebru Timik (à titre posthume), avocates du barreau d’Istanbul. (Turquie).
Barkin Timtik, 38 ans, et Ebru
Timtik, 42 ans, sont soeurs. Devenues avocates toutes les deux, elles ont
toujours partagé les mêmes engagements et endurer les mêmes souffrances.
Toutes deux sont membres de l'Association des avocats progressistes (ÇHD) et
travaillent au sein du Halkin Hukuk Barosu (« Bureau des droits du peuple
»–HHB).
Barkin et Ebru Timtik, avocates
en charge des cas sensibles des militants du mouvement DHKP-C, ont été
soumises à un harcèlement continu depuis 2013. Barkin a été d’abord
emprisonnée entre le 23 janvier 2013 et le 21 mars 2014 dans le cadre du
procès dit du ÇHD1, dont elle demeure également une des accusés pour «
appartenance à une organisation terroriste », uniquement en raison des liens
allégués du ÇHD avec le DHKP/C. Le 15 décembre 2016, elle avait été agressée
par la police et arrêtée, alors qu'elle assistait à un dîner funéraire pour rendre
hommage à un de ses clients, abattu par la police. Elle a été détenue au
poste de police d'Esenyurt pendant quatre jours. Selon certaines
informations, elle aurait été frappée au cours de sa détention puis
lorsqu'elle avait été transférée d'une prison à une autre. Elle n’a pas eu la
possibilité d'avoir accès à ses avocats.
Avant d’être transférée à la
prison de Silivri, à Istanbul, Barkin Timtik avait salué les autres avocats
en prononçant ces mots: "Aujourd’hui, je suis particulièrement fière
de faire partie de votre groupe [HHB]. Je vous aime tous et je vous prie de
saluer tous les amis qui ne sont pas ici maintenant. Nous devons montrer à
l’ennemi la signification de la solidarité et de la lutte. Je sais que nous
allons gagner ! " Elle a été transférée ensuite à la prison d'Izmir,
à plus de 500 km, où elle a été détenue avec plusieurs de ses clientes.
Barkin Timtik avait été libérée à l’audience du 16 février 2017.
Deux mois plus tard, le 20 avril 2017, Barkin Timtik a été à nouveau
interpellée et brièvement détenue, lors d’une audience où elle défendait la
famille de Dilek Dogan, une jeune femme tuée lors d'un raid de la police en
2015, parce qu’elle soutenait ses clients en incitant le public à ne pas
quitter la salle d'audience. Trois mois après, le 17 juillet 2017, Barkin
Timtik et sa sœur Ebru, avaient à nouveau été interpellées à l’occasion d’une
conférence de presse pour défendre les enseignants en grève de la faim à
Ankara, dont le Bureau des droits du peuple assurait la défense. Le 5 août 2017,
Barkin Timtik a été encore arrêtée avec 42 autres manifestants lors d’une
action pacifique pour soutenir la grève de la faim de Nuriye Gulmen et Semih
Ozakca. Des photos prises au palais de justice d'Istanbul ont révélé qu'elle
avait subi des traitements dégradants pendant sa garde à vue. Selon le HHB,
le procureur chargé de l'enquête et le juge de paix ont rendu une décision de
contrôle judiciaire sans prendre sa déclaration sur les sévices.
Barkin et Ebru Timtik ont été
arrêtées, une nouvelle fois, le 12
septembre 2017, lors de descentes de police ciblées, très précisément deux jours avant
l'audience, où elle devaient défendre leurs clients, Nuriye Gülmen et Semih
Özakça, deux enseignants en grève de la faim pour protester contre leur
licenciement par un décret, le 23 mai à Ankara. 16 autres avocats de
l'Association des avocats progressistes (ÇHD), seront successivement arrêtés
entre septembre et décembre 2017. Il leur est reproché d’avoir été les
avocats de membres du DHKP/C et à ce titre d’avoir rendu visite à leurs
clients sur leur lieu de détention et de les avoir informés de leur droit de
garder le silence. Pour l’accusation, le HHB ne serait que l’une des
sous-structures du DHKP/C, considéré comme une organisation terroriste par la
Turquie, l'Europe et les Etats-Unis.
Après avoir passé un an en
détention, Barkin et Ebru Timtik ont comparu le 10 septembre 2018 devant la
37ème Chambre pénale du tribunal d'Istanbul au palais de justice de Bakirköy.
C’était la première audience du procès dit du ÇHD2. Les juges avaient refusé
leur comparaison à l’audience et voulaient leur imposer de comparaître par
l’intermédiaire du système de vidéoconférence (SEGBIS) décidée par les juges
sous prétexte "des frais de déplacement, de la longueur de la route et
de la sécurité". Mais les avocats ont exigé de venir s’expliquer en
personne sur les accusations injustes qui pesaient sur eux. Confronté à ce
refus, le tribunal d'Istanbul a ordonné d’amener les détenus à l'audience.
Quatre jours plus tard, le 14 septembre 2018, tous les avocats ont été remis
en liberté par le tribunal. Barkin et Ebru Timtik comme leurs coaccusés ont
été libérées. Mais, le lendemain, la même chambre a décidé après appel du
Parquet, de replacer en détention 12 des avocats libérés et de renvoyer les
débats à une date ultérieure.
Le procès recommencé le 18 mars 2019, mais deux jours plus tard, interrompant
les débats, la 37ème section du tribunal d’Istanbul a subitement interrompu
les débats et condamné les 18 avocats à de lourdes peines. Barkin Timtik a été le plus lourdement condamnée, à 18
ans et 9 mois d’emprisonnement pour « création et direction d’une
organisation terroriste armée » en vertu de l’article 314-1 du code pénal
turc. Ebru Timtik, a été condamnée à 13 ans et demi de prison.
Quant à leurs coaccusés : Selcuk
Kozagacli a été condamné à 10 ans et 15 mois, Engin Gökoglu, Aytac Ünsal a 10
ans 6 mois, Aycan Cicek a 9 ans, Ezgi Çakir a 7 ans et 12 mois et Aysegül
Çagatay à 3 ans et 9 mois, pour « appartenance à une organisation terroriste
armée en vertu de l’article 314-2 du code pénal turc». Zehra Özdemir et Ahmet
Mandaci ont vu leur peine réduite à 2 ans, 13 mois et 15 jours (parce qu’ils
étaient présents à l’audience le 20 mars contrairement aux autres prévenus)
pour « appartenance à une organisation terroriste armée ». Tous ont été condamnés parce qu’ils étaient
membres du HHB - et de ce fait considérés comme membres présumés du DHKP-C-
sur des présomptions et sous le prétexte de déclarations contradictoires d’un
témoin prétendument clé.
Barkin Timtik a fait partie des
six détenus maintenus en détention lors du jugement. Le 24 mai 2019, elle a
du être opérée sans préavis et sans que ses proches soient prévenus à la
prison n ° 9 de Silivri après la découverte d‘une tumeur d’environ 14
centimètres dans son abdomen.
Ebru Timtik, quant à elle, n’a
pas comparu. Elle n’avait pas été arrêtée après la libération collective du
14 septembre 2018. Elle a donc été jugée et condamnée en son absence. Trois
mois plus tard, le 20 juin 2019, le mandat d’arrêt délivré contre elle par le
tribunal a été mise à exécution et elle a été ré-arrêtée à Istanbul. Dès lors
elle n’a eu de cesse d’obtenir la réformation de la condamnation injuste
qu’il a frappée.
Le 3 janvier 2020, elle a entamé
une grève de la faim pour voir reconnaître son droit à un procès équitable et
obtenir que les juridictions supérieures examinent son recours. Le 5 avril,
faute d’être entendue, elle avait transformé sa grève en « jeûne de la mort
». Après 200 jours de grève de la faim, l’institut de médecine légale l’a
déclarée inapte à supporter un emprisonnement, pourtant le 14 août, la Cour
constitutionnelle a rejeté une demande de libération. Elle est morte au 238 °
jour, le 27 août 2020. Elle ne pesait plus que trente kilos.
Le 15 septembre 2020, la Cour de
cassation a confirmé les peines de prison de 14 de ses co-accusés mais a
joint l’examen du cas de Barkin Timtik à celui de l’affaire où elle est
poursuivie pour "appartenance à une organisation[terroriste] ". En raison de sa mort, la
juridiction a déclaré ne pas avoir à examiner les moyens d’Ebru Timtik
contre la régularité de sa condamnation.