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Esber Yagmurdereli

TURQUIE

Prix Ludovic Trarieux 2000

 

Esber Yagmurdereli

Par délibération du 2 mars 2000, le jury du " Prix International des droits de l’homme Ludovic-Trarieux " a attribué le Prix 2000 à l’avocat, écrivain et militant des droits de l’homme turc Esber Yagmurdereli qui purge depuis juin 1998 une peine de prison pour avoir prôné une solution pacifique au problème kurde.

Le Jury a en outre appelé les autorité turques à libérer immédiatement Esber Yagmurdereli.

Le Prix a été remis le 29 septembre 2000 à son fils, M. Ugur Yagmurderli et à sa soeur, Mrs Sumru Yagmurdereli dans le Grand Amphithéâtre de l'Ecole Nationale de la Magistrature à Bordeaux.

Esber Yagmurdereli, né en 1945, avocat aveugle depuis l’âge de dix ans, est l’un des prisonniers d’opinion les plus célèbres de Turquie. Il n’a jamais cessé de défendre ses idéaux de liberté et de paix pour son pays. Pour avoir prôné la paix dans le Sud-Est, pour ne pas avoir plié l'échine devant la menace de devoir purger le solde des quelques 37 années incompressibles, Esber Yagmurdereli a passé à ce jour près de dix-sept années de sa vie dans les geôles turques.

Diplômé en droit et en philosophie à l’université d’Ankara, il s’installe comme avocat dans la région de la Mer Noire et devient au début des années 1970 le défenseur des opposants politiques au régime, des prisonniers politiques et l'avocat d'un syndicat.

Ses interventions et déclarations en faveur de la paix, le succès à travers tout le pays de sa pétition pour la paix, le charisme très médiatisé de cet avocat au regard clos mais à l'éternel sourire, grand lettré et musicien, ami inséparable de l'écrivain Yachar Kémal, ont fini par exaspérer les autorités. Il a été arrêté pour la première fois en 1978.

Condamné d’abord à une peine de cinq ans de prison, sa peine a été aggravée, à l’occasion d’un procès long et inéquitable, en condamnation à mort, après la prise du pouvoir par les militaires, par une Cour martiale, en mars 1985, pour délit d'opinion et soutien à un mouvement subversif, mais fut commuée détention à perpétuité en raison de son infirmité. Du fait de cette condamnation, il a été radié du barreau.

En 1991, il a été remis en liberté conditionnelle à la faveur d'une amnistie générale après avoir déjà purgé treize ans et cinq mois de cette peine, sous la condition de ne pas être condamné à nouveau. Mais aussitôt il a fait à nouveau l’objet de poursuite pour un discours, prononcé peu après sa libération lors d’une manifestation de l’Association turque des droits de l’Homme à Istanbul en faveur d’une solution pacifique dans le sud-est*.

A nouveau poursuivi en vertu de l'article 8 de la Loi anti-terroriste pour propagande séparatiste, il a été condamné le 28 mai 1997 à dix mois d'emprisonnement par la Cour de sûreté d'Istanbul. La condamnation a été confirmée par la Cour de Cassation en septembre 1997. Aussi le Tribunal pénal de Samsun a-t-il décidé que Esber Yagmurdereli serait obligé de purger le reste de la peine prononcée antérieurement contre lui - c'est-à-dire dix sept ans et trois mois sans possibilité de remise de peine.

Le 20 octobre 1997, Esber Yagmurdereli a été arrêté par la police à Istanbul alors qu'il venait de participer à un débat télévisé dans les studios de la station de télévision de KANAL D. A la suite des fortes réactions critiques provoquées par cette affaire aussi bien en Turquie qu'à l’étranger, il a été remis en liberté, le 9 novembre 1997, à l'approche du sommet de Luxembourg (décembre 1997), officiellement pour "raison de santé " mais plus exactement pour calmer les vives critiques déclenchées par son arrestation en Turquie et dans le monde mais surtout au sein de l’Union européenne, alors que la Turquie nourrissait l'idée de devenir candidat à part entière à l'Union européenne et voulait apaiser les Européens en promettant d'améliorer la situation des droits de l'homme.

Mesure sans précédent sur laquelle la Turquie est revenue sans complexe dès qu’elle a vu sa candidature écartée par l'Union européenne. Car ce qui avait été présenté comme une grâce médicale définitive, n’en était pas une : l'exécution de la peine avait en réalité seulement été différée de douze mois,

Le lundi 1er juin 1998 (quelques jours après la délibération du Jury du prix Ludovic-Trarieux 1998 lors de laquelle sa candidature avait été évoquée), Esber Yagmurdereli a été arrêté alors qu’il se rendait chez son avocat et reconduit à la prison après qu'il ait refusé de fournir un rapport médical qui aurait pu lui conférer une éventuelle grâce. Proclamant son innocence, Yagmurdereli a écarté toute libération établie exclusivement sur des raisons de santé et refusé de subir les examens médicaux exigés par les autorités, affirmant qu’il ne désirait aucun traitement de faveur, mais que le problème du délit d’opinion devait être réglé une fois pour toutes en Turquie. L'avocat espérait que les épreuves qu'il avait à endurer contribueraient à amener une réforme législative des dispositions qui restreignent le droit à la liberté d'expression qui constitue la seule solution adéquate et durable.

"La liberté d'expression ne devrait pas être un crime" a-t-il déclaré " Il n’y a rien d’autre que je puisse faire. Je suis prêt à aller en prison et à attendre une décision politique, un changement politique, une réforme constitutionnelle qui me permette d’être libre ".

Esber Yagmurdereli fait partie d’un groupe d'intellectuels turcs qui, en affrontant publiquement l'Etat sur la question de la liberté d'expression, mettent leur propre liberté en péril.

Adopté comme "prisonnier de conscience " par Amnesty international, il purge, depuis son arrestation le 1er juin 1998, dans la prison de Çankiri, à 130 kilomètres d’Ankara, une peine d’emprisonnement cumulée de 23 ans. En septembre 1999, il ne put bénéficier de la loi turque sur la suspension des sentences parce que son " crime " était un discours. Tout espoir de remise de peine semble vain. On pense généralement qu’il peut rester en prison jusqu’à 2015.

Esber Yagmurdereli a un fils, Ugu, aujourd’hui âgé de vingt deux ans qui mène une campagne pour que l'on oublie pas son père.

Poète, Essayiste et Nouvelliste, Esber Yagmurdereli est l’auteur de pièces de théâtre à succès, notamment " Scorpion " présentée au Festival du théâtre d’Istanbul, la semaine de son arrestation en juin 1998. Il est membre d’honneur des P.E.N. Clubs canadien, suédois, tchèques, et slovaques. Sa mise à l'écart n'empêche pas une foule de turcs et de kurdes de se presser chaque soir au théâtre à Ankara ou Istanbul pour assister à la représentation de sa pièce qui conte les derniers jours de détention de son compagnon de cellule, condamné à mort, à l'instar de nombreux militants de gauche, arrêtés lors du coup d’état de 1980.

La libération de Esber Yagmurdereli et des autres prisonniers de conscience turcs, symboliserait la volonté vraie des autorités turques d’aller vers plus de démocratie et doit constituer une condition sine qua non de son rapprochement de l’Union européenne.

Sa candidature au Prix était présentée par " PEN INTERNATIONAL – Writers in prison "


  • 29 septembre 2000 : Remise du sixième Prix International des Droits de l’Homme Ludovic-Trarieux à Esber Yagmurdereli

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